jeudi 17 novembre 2016

Bref du social du 15 novembre

ACTUALITE JURIDIQUE ET SOCIALE

·        Le scrutin TPE 2016 repoussé en raison du pourvoi en cassation de la CGT 

 
La CGT a décidé de se pourvoir en cassation contre le jugement du Tribunal d’instance du 15e arrondissement de Paris validant la candidature du Syndicat des travailleurs corses au scrutin visant à mesurer l’audience des organisations syndicales auprès des salariés des TPE, annonce la confédération, le 10 novembre. Le gouvernement a aussitôt pris acte de cette décision. Le 10 novembre, la ministre du Travail indique que « cette décision n’aura aucune incidence sur la mesure de la représentativité syndicale, qui interviendra en mars 2017, mais aura nécessairement des conséquences sur le calendrier du scrutin initialement programmé du 28 novembre au 12 décembre ». En effet, précise-t-elle, « le processus électoral ne pourra être valablement engagé qu’une fois ce contentieux définitivement tranché par la Cour de cassation. Or, celle-ci pourrait rendre son arrêt au plus tôt une quinzaine de jours après le dépôt du pourvoi ». « Le Directeur général du travail réunira dans les tout prochains jours le Haut conseil du dialogue social afin que cette instance examine dans la plus grande transparence les conséquences à tirer de cette situation. Une fois cette procédure close, le gouvernement mettra tout en œuvre pour procéder à l’organisation de ce scrutin dans les meilleures conditions et dans les meilleurs délais ».
 
La CFTC, pour sa part, est opposée fermement à ce report qui pourrait affecter négativement le taux de participation, déjà très faible en 2012 (environ 10%).
Elle encourage tous ses Ambassadeurs (adhérents, militants et sympathisants) à poursuivre leur mobilisation.
 
 
REGLEMENTATION

·        Lanceurs d’alerte : le projet de loi Sapin II est définitivement adopté

Le Parlement a donné son feu vert, le 8 novembre, au projet de loi Sapin II qui prévoit notamment une protection des lanceurs d’alerte, ainsi qu’à la proposition de loi organique étendant les compétences du Défenseur des droits. Ces deux textes doivent faire l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel.
Avec pour toile de fond les affaires des Panama Papers ou des Luxleaks, le Parlement a définitivement adopté, le 8 novembre, la loi Sapin II qui vise à garantir aux lanceurs d’alerte une protection efficace. Le texte fixe un socle de dispositions communes applicables à toute personne décidant de lancer une alerte dans l’intérêt général.
Le même jour, les députés ont adopté une proposition de loi organique étendant les compétences du Défenseur des droits, qui oriente les lanceurs d’alerte vers les autorités compétentes, et protège ceux victimes de mesures de représailles.
Ces deux textes doivent faire l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel.
Définition du lanceur d’alerte
Selon la loi Sapin II, le lanceur d’alerte est une personne physique (et en aucun cas une personne morale) qui révèle ou signale un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. Les faits couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical et le secret des relations entre un avocat et son client sont exclus du régime de l’alerte, précise la loi.
Le lanceur d’alerte doit être de bonne foi. Par ailleurs, il doit agir de manière désintéressée. En d’autres termes, il ne doit pas tirer d’avantage financier propre de l’alerte émise et ne pas avoir pour activité professionnelle d’alerter ou de faire connaître des comportements répréhensibles (comme les inspecteurs du travail, les magistrats et les journalistes).
Toute personne qui fait obstacle à l’exercice du droit de lancer une alerte est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 €d’amende. Lorsque le juge d’instruction ou la chambre de l’instruction est saisi d’une plainte pour diffamation contre un lanceur d’alerte, le montant de l’amende civile est porté à 30 000 € (au lieu de 15 000 €).
Canaux de signalement à la disposition des lanceurs d’alerte
À qui un lanceur d’alerte doit-il s’adresser ? Selon la loi, à son supérieur hiérarchique direct ou indirect, à son employeur ou à un référent désigné par celui-ci.
Afin de rendre possible la saisine interne, la loi impose notamment aux personnes morales de droit privé ou de droit public employant au moins 50 salariés de se doter de procédures internes de recueil des alertes émises par les membres de leur personnel ou par les collaborateurs extérieurs et occasionnels.
Elle ajoute que les procédures mises en œuvre pour recueillir et traiter l’alerte doivent garantir une stricte confidentialité de l’identité des lanceurs d’alerte, des personnes visées par le signalement et des informations recueillies par l’ensemble des destinataires. Le fait de divulguer ces éléments confidentiels est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 €d’amende.
Si aucune suite n’est donnée par son destinataire à l’alerte dans un délai raisonnable, le lanceur d’alerte peut s’adresser auxautorités judiciaires ou administratives ou aux ordres professionnels.
En dernier ressort, à défaut de traitement de l’alerte dans un délai de trois mois, le lanceur d’alerte peut divulguer les faits au public.
À noter qu’en cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles, le signalement peut être porté directement à la connaissance des organismes précités, et rendu public.
Signalons que la loi Sapin II met en place un dispositif spécifique aux alertes dans le secteur bancaire et financier. Les deux autorités de supervision du secteur, l’AMF (Autorité des marchés financiers) et l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), doivent se doter de procédures permettant de recevoir les alertes lancées par les salariés des entreprises de ce secteur.
Protection du lanceur d’alerte
Tout d’abord, les éléments de nature à identifier le lanceur d’alerte ne peuvent être divulgués, sauf à l’autorité judiciaire, qu’avec le consentement de l’intéressé. Par ailleurs, la responsabilité pénale du lanceur d’alerte ne peut être engagée lorsque les informations qu’il divulgue portent atteinte à un secret protégé par la loi, dès lors que cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause et qu’elle intervient dans le respect des procédures de signalementdéfinies par la loi.
Enfin, le lanceur d’alerte est protégé contre d’éventuelles représailles de son employeur. Ainsi, il ne peut pas être écarté d’une procédure de recrutement, de l’accès à un stage ou à une formation, ni être sanctionné,licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de promotion, de mutation, ou encore de reclassement.
En cas de litige, dès lors que le lanceur d’alerte présente des éléments permettant de présumer qu’il a agi de bonne foi, il revient à la partie défenderesse (à savoir l’employeur) de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à l’alerte.
En cas de rupture de son contrat de travail, le lanceur d’alerte peut saisir le conseil de prud’hommes statuant en la forme desréférés.
La loi précise encore que, sans préjudice de l’aide juridictionnelle, le lanceur d’alerte peut bénéficier d’une aide financièreversée par le Défenseur des droits sous la forme d’une avance sur les frais de procédure.
Le Défenseur peut aussi lui accorder un soutien financier temporaire si le signalement effectué lui a occasionné de graves difficultés financières compromettant ses conditions d’existence.
Programme anticorruption imposé aux grandes entreprises
La loi Sapin II prévoit que six mois après sa promulgation, les sociétés ou groupes de sociétés d’au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires dépasse 100 millions d’€ seront tenus de prendre les mesures destinées à prévenir et à détecter la commission, en France ou à l’étranger, de faits de corruption ou de trafic d’influence (« programme anticorruption »).
Ces mesures, listées par la loi Sapin II consistent, notamment à intégrer dans leur règlement intérieur un code de conduitedéfinissant et illustrant les différents types de comportements à proscrire, à mettre en place un dispositif d’alerte interne, à former les cadres et les personnels les plus exposés aux risques de corruption et de trafic d’influence, ou encore à instituer un régime de sanction disciplinaire en cas de violation du code de conduite de l’entreprise.
La mise en place de ce programme anticorruption sera contrôlée par l’Agence française anticorruption (AFA), qui se substitue à l’actuel service central de prévention de la corruption (SCPC). En pratique, les agents pourront vérifier sur place l’exactitude des informations fournies. Ce contrôle donnera lieu à un rapport transmis à l’autorité qui l’a demandé et aux représentants de la société contrôlée. En cas de manquement, le magistrat qui dirige l’agence française anticorruption pourra adresser un avertissement aux dirigeants de l’entreprise concernée.
Il pourra également saisir la Commission des sanctions (constituée au sein de l’AFA) soit pour enjoindre à la société de se mettre en règle, soit pour infliger une amende pouvant aller jusqu’à 200 000 € pour les personnes physiques et 1 000 000 d’€pour les personnes morales. La Commission des sanctions pourra également ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision.
Enfin, la loi Sapin II crée une peine dite de « mise en conformité » pour les personnes morales condamnées pour certains délits de corruption. Ces dernières suivent, sous le contrôle de l’AFA et pour une durée maximale de cinq ans, un programme de mise en conformité.
 
JURISPRUDENCE

·        Vote électronique : fixation des modalités de mise en œuvre par accord d’établissement

Dans un arrêt du 3 novembre 2016, la chambre sociale de la Cour de cassation valide la pratique consistant, dans les entreprises à établissements distincts, à fixer par accord d’entreprise le cadre général du recours au vote électronique et à renvoyer ses modalités de mise en œuvre à la conclusion d’un accord d’établissement.
En 2010, interprétant strictement les dispositions du Code du travail, la Cour de cassation a précisé que la possibilité de recourir au vote électronique lors des élections professionnelles ne peut être « ouverte » que par un accord d’entreprise ou par un accord de groupe, le recours à cette modalité de vote ne pouvant être décidé dans le seul cadre d’un accord d’établissement(Cass. soc., 10 mars 2010, nº 09-60.096 PB, v. Juris. Théma. -IRP, élect.- nº 91/2010 du 4 mai 2010). L’ouverture du vote électronique doit ainsi avoir été prévue et négociée au plus haut niveau (entreprise ou groupe).
Contrairement aux apparences, cette mise au ban de l’accord d’établissement n’est pas absolue car la Cour de cassation vient d’admettre la possibilité de prévoir le recours au vote électronique par un accord-cadre conclu au niveau de l’entreprise tout en renvoyant à un accord d’établissement le soin de fixer les modalités concrètes de sa mise en œuvre au niveau local.
Cadre général négocié au niveau de l’entreprise
À l’heure actuelle, la décision de recourir au vote électronique est subordonnée à la conclusion d’un accord d’entreprise ou de groupe ouvrant une telle possibilité et comportant un cahier des charges précis (C. trav., art. L. 2314-21 et R. 2314-8 : pour les DP ; C. trav., art. L. 2324-19 et R. 2324-4 : pour le CE). Le protocole préélectoral doit mentionner expressément l’existence de cet accord collectif et comporter, en annexe, la description détaillée du fonctionnement du système retenu et du déroulement des opérations électorales (C. trav., art. R. 2314-16 et R. 2324-12).
Précisons que la possibilité introduite par la loi Travail du 8 août 2016 de recourir au vote électronique par décision unilatérale de l’employeur, « à défaut d’accord », est subordonnée à la parution d’un décret d’application qui devrait intervenir dans les prochaines semaines (en principe, au cours du mois de novembre).
Dans la présente affaire, un accord collectif relatif au vote électronique avait bien été conclu au niveau de l’entreprise, en 2009. Celui-ci fixait le cadre général des modalités de recours au vote électronique (organisation confiée à un prestataire extérieur détenteur d’une expertise reconnue, système indépendant des systèmes d’informations de l’entreprise, déclaration à la Cnil, etc.). Il prévoyait cependant que chaque établissement souhaitant recourir au vote électronique devait conclure unaccord local, distinct du protocole préélectoral, pour préciser les modalités de mise en œuvre du système retenu et rappeler les techniques de sécurisation du vote fixées au niveau de l’entreprise. La Cour de cassation a validé un tel procédé.
Déclinaison possible par accord d’établissement
L’arrêt du 3 novembre 2016 affirme ainsi que « dans une entreprise divisée en établissements, un accord d’entreprise peut fixer le cadre général du recours au vote électronique et renvoyer les modalités de sa mise en œuvre à un accord d’établissement ».
Cette précision peut être vue comme un assouplissement de la jurisprudence de 2010 précitée ou, à tout le moins, comme une clarification : ce que ne peut pas faire un accord d’établissement, c’est prévoir à lui seul, sans le relais d’un accord d’entreprise ou de groupe, le recours au vote électronique au sein d’un établissement. Celui-ci doit en effet être autorisé au niveau plus large de l’entreprise voire du groupe, comme le prévoit la réglementation applicable.
En revanche, il est permis à un accord d’établissement de décliner, au niveau de l’établissement, les modalités de mise en œuvre du vote électronique dont le recours a été autorisé et encadré par un accord d’entreprise. Ce dernier devra avoir prévu un tel renvoi à l’accord d’établissement.
Degré de précision de l’accord-cadre conclu au niveau de l’entreprise
Comme le fait apparaître cet arrêt, l’accord d’entreprise ne peut pas se contenter d’autoriser le recours au vote électronique et laisser carte blanche aux accords d’établissement pour en fixer les modalités concrètes. Le Code du travail exige en effet que l’accord d’entreprise (ou de groupe) comporte un cahier des charges respectant les dispositions réglementaires permettant d’assurer la sécurité et la confidentialité du scrutin (C. trav., art. R. 2314-8 et R. 2324-4).
L’accord d’entreprise doit donc contenir des prescriptions minimales. Ceci étant, la Cour de cassation ajoute, sur ce point précis, que « le cahier des charges que doit contenir l’accord n’est soumis à aucune condition de forme ».
Il n’est par conséquent pas nécessaire qu’il prenne la forme d’une annexe spécifique, comme l’avait estimé le tribunal d’instance dans cette affaire. Les dispositions de l’accord-cadre fixant le cadre général des modalités de recours au vote électronique peuvent donc constituer en tant que tel le cahier des charges qui est exigé par la réglementation.