Cette formule contenait un véritable programme de législature. La suite allait le confirmer. En un an, le gouvernement de l’austère professeur a réussi à imposer des mesures incisives et impopulaires : le relèvement de l’âge de départ à la retraite et l’extension du système contributif ; une robuste hausse de l'impôt sur le patrimoine immobilier ; une diminution draconienne de la dépense publique ; la lutte contre l’évasion fiscale, illustrée par des opérations éclairs spectaculaires.
Romano Prodi voulait "éduquer le monde politique", Mario Monti veut "changer le mode de vie des Italiens"
Mario Monti a imposé au monde politique une rééducation lexicale et une leçon de style, mais aussi une petite révolution communicative. Mario Monti s’exprime désormais avec une fréquence qui fait de lui le président du Conseil le plus loquace de l’histoire de la République. Une boulimie communicative – doublée d’une cadence et d’un débit jésuitiques – que le Professore s’est imposée pour accomplir la mission qui résume toutes les autres : “J’espère changer le mode de vie des Italiens”, a-t-il confessé en février au Time. Une vocation pédagogique qui différencie Mario Monti des professeurs qui l’ont précédé : Amintore Fanfani, Giuliano Amato, Romano Prodi voulaient éduquer le monde politique, lui s’attelle à la société civile.
L’aventure gouvernementale a commencé le 9 novembre, le jour le plus délicat peut-être de l’histoire de la Deuxième République [commencée en 1993] : le spread [écart de taux d'emprunt avec l'Allemagne] culmine alors à 574 points, la barre des 500 points a pour la première fois volé en éclat. Le soir même, Giorgio Napolitano [le président de la République] téléphone à Mario Monti pour lui annoncer son intention de le nommer sénateur à vie, en lui faisant comprendre que le sort du gouvernement Berlusconi est réglé. Le Cavaliere démissionne trois jours plus tard.
Impôts, retraites, libéralisations : des mesures en rafales
Le gouvernement se retrouve dès lors "forcé" de battre tous les records : la formation de l’exécutif est menée au pas de charge (en trois jours), le Sénat lui accorde sa confiance avec la plus large majorité (91,8 %) de l’histoire de la République, l’équipe est réduite à sa portion congrue (17 ministres), douze jours à peine après le vote de confiance le gouvernement accouche du décret Sauver l’Italie, qui instaure l’IMU [l’impôt municipal unique sur les biens immobiliers qui rétablit la taxe foncière supprimée par le gouvernement Berlusconi] et la réforme des retraites. Le 20 janvier, le Conseil des ministres promulgue le décret sur les libéralisations et, le 23 mars, c’est au tour de la réforme du marché du travail, contrariée par la Confindustria [le syndicat patronal italien] et la CGIL [le principal syndicat du pays].
Des mesures en rafales qui n’influent guère sur le spread, lequel repasse avant Noël le seuil des 500 points, décompresse, puis se cabre à nouveau en avril, aussitôt après que les banques européennes cessent d’acquérir des emprunts d’Etat avec l’argent offert, ou presque, par la Banque centrale européenne (BCE).
Après une première phase consacrée au front intérieur, le gouvernement ouvre ainsi au printemps 2012 la phase 2 de son action, celle de l’offensive diplomatique en Europe. Il reviendra aux historiens de faire la lumière sur les "coups de pouce" de Barack Obama, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy pour éloigner Silvio Berlusconi. Mais, une fois au pouvoir, le Professore a su se faire apprécier des principaux leaders (Obama en tête) et de la presse internationale, qui rivalise de flagornerie : "Le leader le plus important d’Europe" (le Financial Times) ; "Il a changé la politique européenne” (The Economist) ; “Si Monti était français... ” (Le Figaro).
La phase 3 du gouvernement : des mesures visant la caste
Au sommet européen du 17 juin à Rome, appuyé par une task forcediplomatique de premier ordre (emmenée par le ministre des Affaires européennes Enzo Moavero), Mario Monti fait bouger les Allemands sur le "bouclier anti-spread" [comme on désigne en Italie le dispositif antispéculation], un succès parachevé soixante-dix jours plus tard par le gouverneur de la BCE, Mario Draghi, qui annonce un programme de rachat illimité des dettes souveraines. Entre-temps, le président du Conseil inaugure la phase 3 de son gouvernement : celle de la consolidation, fondée sur des mesures visant la caste politique (diminution du nombre des provinces, loi anticorruption, réforme de la RAI [la télévision publique italienne], coupes dans les dépenses politiques) et sur la loi de stabilité.
Pour Giorgio Tonini, ancien président de la Fédération universitaire catholique italienne (Fuci) et sénateur du Parti démocrate (PD), le premier "anniversaire" du gouvernement Monti est honorable : "Monti a hérité d’un pays écrasé par son passé (à cause des intérêts de sa dette), jouissant d’un patrimoine privé supérieur à celui des Allemands mais d’un revenu moindre, et il a agi : l’Italie est passée du dernier au deuxième rang en Europe au niveau de l’impôt sur la fortune, mais surtout elle a su démonter le mythe des Italiens incapables d’entendre raison."
Pour Giorgio Tonini, ancien président de la Fédération universitaire catholique italienne (Fuci) et sénateur du Parti démocrate (PD), le premier "anniversaire" du gouvernement Monti est honorable : "Monti a hérité d’un pays écrasé par son passé (à cause des intérêts de sa dette), jouissant d’un patrimoine privé supérieur à celui des Allemands mais d’un revenu moindre, et il a agi : l’Italie est passée du dernier au deuxième rang en Europe au niveau de l’impôt sur la fortune, mais surtout elle a su démonter le mythe des Italiens incapables d’entendre raison."