mardi 20 septembre 2016

Bref du social du 16 Septembre


REGLEMENTATION

·        Inspection du travail : l’articulation entre les sanctions administratives et pénales précisée

Depuis le 1er juillet 2016, les agents de l’inspection du travail peuvent infliger de nouvelles amendes administratives aux employeurs. À cette occasion, une circulaire du ministère de la Justice et une instruction de la DGT, mises en ligne le 3 août 2016, dressent un état des lieux des sanctions administratives et pénales applicables par les inspecteurs du travail, et présentent leurs règles d’articulation. En outre, l’instruction comporte des précisions quant aux manquements sanctionnés par l’ordonnance du 7 avril 2016.
Circ. min. du 18 juillet 2016, NOR : JUSD1620181C Instr. DGT nº 2016/03 du 12 juillet 2016
« Promouvoir une meilleure coordination des actions et des sanctions administratives et judiciaires ». Tel est l’objectif que s’est fixé le ministère de la Justice en publiant, le 3 août 2016, une circulaire datée du 18 juillet 2016 qui présente la récente ordonnance sur les pouvoirs de l’inspection du travail(Ord. nº 2016-413 du 7 avril 2016). Intégrant une instruction de la Direction générale du travail (DGT) du 12 juillet 2016, la circulaire rappelle l’intégralité des dispositifs de sanction mis à la disposition de l’inspection du travail depuis la loi Savary du 10 juillet 2014 et la loi Macron du 6 août 2015). Elle présente en particulier les nouvelles sanctions administratives créées par l’ordonnance du 7 avril 2016, qui posent davantage de difficultés quant à leur articulation avec le champ pénal.
L’articulation des nouvelles sanctions administratives avec le droit pénal
Les trois types d’amendes administratives créés par l’ordonnance du 7 avril 2016 visent des comportements faisant l’objet d’incriminations pénales. L’agent de contrôle a donc le choix : il peut dresser un procès-verbal à transmettre au parquet, ou bien établir un rapport aux fins de sanction administrative. Or, l’inspection du travail doit préserver la possibilité pour le ministère public d’enclencher des poursuites pénales si nécessaire, indique la circulaire du ministère de la Justice. Pour cela, le Direccte doit communiquer au parquet de façon périodique (deux fois par mois selon la DGT) un tableau des sanctions administratives envisagées sur le fondement de l’ordonnance du 7 avril 2016.
Le parquet s’engage alors à répondre dans un délai prédéterminé au terme duquel il est considéré comme ne s’opposant pas à la mise en œuvre de la voie administrative (la circulaire propose à titre indicatif, que ce délai soit fixé à un mois).
Dans le cas contraire, le procureur de la République peut demander au Direccte la transmission du rapport dressé par l’agent de contrôle afin d’engager les poursuites pénales.
La circulaire ministérielle prévoit également des mesures de développement d’un dialogue entre les parquets et le Direccte (désignation d’interlocuteurs privilégiés au sein de chaque structure, rencontres périodiques, échange d’informations).
Les poursuites pénales privilégiées pour les infractions les plus graves
L’instruction de la Direction générale du travail définit, quant à elle, la stratégie pénale à adopter par les agents de l’inspection du travail. Dans quel cas ces derniers doivent-ils enclencher des poursuites pénales plutôt qu’administratives ? L’instruction préconise aux agents de privilégier la voie pénale pour les infractions les plus graves (obstacles ou violences envers un agent de l’inspection du travail, infractions graves en matière de santé et sécurité, etc.). Pour ce type de comportement, elle exclut le recours à toute transaction pénale, pourtant juridiquement envisageable.
De plus, face à des manquements frauduleux graves (principalement des situations de travail illégal), une action conjointe administrative et judiciaire est préconisée, afin de faire cesser l’infraction tout en sanctionnant l’employeur. Enfin, certaines circonstances particulières doivent amener les agents à envisager la voie pénale plutôt que la voie administrative, notamment en cas de réitération, d’intérêt spécifique à faire connaître l’auteur du manquement, ou si une organisation syndicale ou une institution représentative du personnel désire se porter partie civile.
PRÉCISIONS SUR LES MANQUEMENTS AUX INJONCTIONS DE L’AGENT : L’ordonnance du 7 avril 2016 fait encourir une amende administrative de 10 000 € à l’employeur en cas de manquement aux décisions prises par l’inspection du travail en matière de santé et sécurité au travail (C. trav., art. L. 4752-1 et L. 4752-2). La circulaire du ministère de la Justice précise pour la première fois les comportements visés par cette sanction. Est ainsi sanctionné le fait pour l’employeur de ne pas se conformer :
– aux mesures ordonnées par l’agent de contrôle afin de soustraire immédiatement un travailleur qui ne s’est pas retiré d’une situation de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ;
– à la décision d’arrêt de l’activité prise en cas d’exposition à un agent cancérigène, mutagène ou toxique pour la reproduction ;
– à certaines demandes de vérifications, mesures ou analyses prises par l’agent de contrôle.
 
JURISPRUDENCE

·        Le coût de la vie permet de justifier des disparités salariales entre établissements

Dans un arrêt du 14 septembre 2016, estampillé « PBRI », la Cour de cassation admet pour la première fois que, pour un travail identique, des salariés d’une même entreprise puissent être rémunérés différemment lorsqu’ils exécutent leur prestation de travail sur des zones géographiques où le coût de la vie n’est pas le même.
Le principe « à travail égal, salaire égal » doit s’appliquer entre les salariés des différents établissements d’une même entreprise, ce qui, en jurisprudence, se traduit de la sorte : « Il ne peut y avoir de différences de traitement entre salariés d’établissements différents d’une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale que si elles reposent sur des raisons objectives, dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence » (Cass. soc., 21 janvier 2009, nº 07-43.452 ).
Parmi ces raisons objectives, dégagées au fil des arrêts, la Cour de cassation vient explicitement d’y classer le « coût de la vie ». Ainsi, d’après une décision rendue le 14 septembre 2016 par la chambre sociale, le coût de la vie plus élevé en région parisienne justifie qu’au sein d’une même entreprise, les salariés des établissements d’Île-de-France se voient appliquer un barème de rémunération plus favorable que dans les établissements situés dans une autre zone géographique.
Barème de rémunération supérieur dans les établissements franciliens
L’affaire concerne une société appliquant, de manière unilatérale, un barème de rémunération différent entre les salariés de ses divers établissements. Plus précisément, le barème applicable aux établissements d’Île-de-France était plus favorable (+ 1,19 à 1,57 %).
Un syndicat représentant des salariés d’un site de production situé à Douai a alors invoqué une violation du principe « à travail égal, salaire égal », estimant en effet que seuls des éléments objectifs tenant à l’activité ou aux conditions de travail pourraient permettre de justifier cette différence de traitement.
Or l’employeur, suivi par la cour d’appel, expliquait exclusivement cette disparité par la différence du coût de la vie entre l’environnement proche de l’usine de Douai et celui des usines franciliennes. Il avait pris soin de fournir aux juges du fond, de multiples éléments statistiques (études de l’Insee et d’organismes privés en matière de logement), des articles parus dans divers périodiques ou sur des blogs, ou encore des cartes retraçant le coût du logement et le prix des produits alimentaires de consommation courante pour toutes les communes de résidence de ses salariés.
L’affaire étant parvenue à la Cour de cassation, il lui revenait ainsi de déterminer si la disparité du coût de la vie qui existe entre des zones géographiques sur lesquelles sont réalisées des prestations de travail identiques, pourrait constituer une raison objective et pertinente de rémunérer différemment les salariés d’une même entreprise. Et la réponse est positive.
Raison objective tenant à la disparité du coût de la vie
La Cour de cassation prend tout d’abord soin de rappeler le principe : « une différence de traitement établie par engagement unilatéral ne peut être pratiquée entre des salariés relevant d’établissements différents et exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elle repose sur des raisons objectives, dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence ».
La « disparité du coût de la vie invoquée par l’employeur pour justifier la différence de traitement qu’il avait mise en place entre les salariés d’un établissement situé en Île-de-France et ceux d’un établissement de Douai » ayant été établie devant les juges d’appel, la Haute juridiction en déduit que « cette différence de traitement reposait sur une justification objective et pertinente ».
Un travail identique accompli dans une zone géographique où le coût de la vie est plus élevé peut donc justifier l’octroi d’une rémunération plus importante (et inversement). Mais attention, car en cas de litige, l’employeur devra pouvoir établir la réalité de cette disparité en fournissant, pour chacune des zones concernées, des éléments relatifs au coût du logement, aux prix à la consommation, etc.
Ce n’est pas la première fois qu’un employeur tente de justifier une différence de salaire par le coût de la vie dans la zone d’implantation de ses différents établissements. La jurisprudence n’était, jusqu’à maintenant, pas tout à fait arrêtée sur ce point. Ainsi, en 2010, la Cour de cassation avait débouté un employeur, non pas en rejetant ce motif de justification dans son principe, mais parce que l’employeur n’avait pas fourni les éléments permettant d’établir cette disparité de niveaux de vie (Cass. soc., 5 mai 2010, nº 08-45.502 D). Plus récemment, la Haute juridiction avait confirmé l’arrêt d’une cour d’appel ayant rejeté l’argument d’un employeur soutenant que les salariés de la région parisienne supportent des charges beaucoup plus importantes, ce qui justifierait un salaire plus élevé pour leur assurer un niveau de vie identique à celui des salariés exerçant dans des bassins d’emploi où les charges sont moins onéreuses (Cass. soc., 28 mai 2014, nº 12-27.811 D).
L’arrêt du 14 septembre 2016 permet de clarifier la situation. Il offre aux employeurs une nouvelle cause de justification des différences de traitement entre les salariés relevant d’établissements différents. Indirectement, il offre aussi aux salariés des établissements situés dans les zones où le coût de la vie est le plus élevé, un argument de poids pour négocier une rémunération plus avantageuse.
 

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