REGLEMENTATION
· Inspection du travail : l’articulation entre les sanctions administratives et pénales précisée
Depuis le 1er juillet 2016,
les agents de l’inspection du travail peuvent infliger de nouvelles amendes
administratives aux employeurs. À cette occasion, une circulaire du ministère
de la Justice et une instruction de la DGT, mises en ligne le 3 août 2016,
dressent un état des lieux des sanctions administratives et pénales applicables
par les inspecteurs du travail, et présentent leurs règles d’articulation. En
outre, l’instruction comporte des précisions quant aux manquements sanctionnés
par l’ordonnance du 7 avril 2016.
Circ. min. du
18 juillet 2016, NOR : JUSD1620181C Instr. DGT nº 2016/03 du 12 juillet 2016
« Promouvoir
une meilleure coordination des actions et des sanctions
administratives et judiciaires ». Tel est l’objectif que s’est fixé le
ministère de la Justice en publiant, le 3 août 2016, une circulaire datée du 18
juillet 2016 qui présente la récente ordonnance sur les pouvoirs de l’inspection
du travail(Ord. nº 2016-413 du 7 avril 2016). Intégrant
une instruction de la Direction générale du travail (DGT) du 12 juillet 2016,
la circulaire rappelle l’intégralité des dispositifs de sanction mis à
la disposition de l’inspection du travail depuis la loi Savary du 10
juillet 2014 et la loi Macron du 6 août 2015). Elle présente en
particulier les nouvelles sanctions administratives créées par l’ordonnance
du 7 avril 2016, qui posent davantage de difficultés quant à leur
articulation avec le champ pénal.
L’articulation des nouvelles sanctions administratives avec le droit pénal
Les trois
types d’amendes administratives créés par l’ordonnance du 7
avril 2016 visent des comportements faisant l’objet d’incriminations
pénales. L’agent de contrôle a donc le choix : il peut dresser un
procès-verbal à transmettre au parquet, ou bien établir un
rapport aux fins de sanction administrative. Or, l’inspection du travail
doit préserver la possibilité pour le ministère public d’enclencher des
poursuites pénales si nécessaire, indique la circulaire du ministère de la
Justice. Pour cela, le Direccte doit communiquer au parquet
de façon périodique (deux fois par mois selon la DGT) un tableau des sanctions
administratives envisagées sur le fondement de l’ordonnance du 7 avril
2016.
Le parquet
s’engage alors à répondre dans un délai prédéterminé au terme
duquel il est considéré comme ne s’opposant pas à la mise en œuvre de la voie
administrative (la circulaire propose à titre indicatif, que ce délai soit fixé
à un mois).
Dans le cas
contraire, le procureur de la République peut demander au Direccte la
transmission du rapport dressé par l’agent de contrôle afin d’engager les
poursuites pénales.
La circulaire
ministérielle prévoit également des mesures de développement d’un dialogue
entre les parquets et le Direccte (désignation d’interlocuteurs
privilégiés au sein de chaque structure, rencontres périodiques, échange
d’informations).
Les poursuites pénales privilégiées pour les infractions les plus graves
L’instruction
de la Direction générale du travail définit, quant à elle, la stratégie
pénale à adopter par les agents de l’inspection du travail. Dans quel cas
ces derniers doivent-ils enclencher des poursuites pénales plutôt
qu’administratives ? L’instruction préconise aux agents de privilégier
la voie pénale pour les infractions les plus graves (obstacles ou
violences envers un agent de l’inspection du travail, infractions graves en
matière de santé et sécurité, etc.). Pour ce type de comportement, elle exclut
le recours à toute transaction pénale, pourtant juridiquement
envisageable.
De plus, face
à des manquements frauduleux graves (principalement des situations de
travail illégal), une action conjointe administrative et judiciaire est
préconisée, afin de faire cesser l’infraction tout en sanctionnant l’employeur.
Enfin, certaines circonstances particulières doivent amener les agents à
envisager la voie pénale plutôt que la voie administrative, notamment en
cas de réitération, d’intérêt spécifique à faire connaître l’auteur du
manquement, ou si une organisation syndicale ou une institution représentative
du personnel désire se porter partie civile.
PRÉCISIONS SUR LES MANQUEMENTS AUX
INJONCTIONS DE L’AGENT : L’ordonnance du 7 avril 2016 fait
encourir une amende administrative de 10 000 € à l’employeur en cas de
manquement aux décisions prises par l’inspection du travail en matière de santé
et sécurité au travail (C. trav., art. L. 4752-1 et L. 4752-2). La
circulaire du ministère de la Justice précise pour la première fois les
comportements visés par cette sanction. Est ainsi sanctionné le fait pour
l’employeur de ne pas se conformer :
– aux mesures ordonnées par
l’agent de contrôle afin de soustraire immédiatement un travailleur qui ne
s’est pas retiré d’une situation de danger grave et imminent pour sa vie ou sa
santé ;
– à la décision d’arrêt de
l’activité prise en cas d’exposition à un agent cancérigène, mutagène ou
toxique pour la reproduction ;
– à certaines demandes de vérifications,
mesures ou analyses prises par l’agent de contrôle.
JURISPRUDENCE
· Le coût de la vie permet de justifier des disparités salariales entre établissements
Dans un arrêt
du 14 septembre 2016, estampillé « PBRI », la Cour de cassation admet pour la
première fois que, pour un travail identique, des salariés d’une même
entreprise puissent être rémunérés différemment lorsqu’ils exécutent leur
prestation de travail sur des zones géographiques où le coût de la vie n’est
pas le même.
Documents
associés : Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 1600 du
14 septembre 2016, Pourvoi nº 15-11.386
Le principe «
à travail égal, salaire égal » doit s’appliquer entre les salariés des
différents établissements d’une même entreprise, ce qui, en jurisprudence, se
traduit de la sorte : « Il ne peut y avoir de différences de traitement entre
salariés d’établissements différents d’une même entreprise exerçant un travail
égal ou de valeur égale que si elles reposent sur des raisons objectives,
dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence » (Cass. soc., 21
janvier 2009, nº 07-43.452 ).
Parmi ces raisons
objectives, dégagées au fil des arrêts, la Cour de cassation vient
explicitement d’y classer le « coût de la vie ». Ainsi, d’après une décision
rendue le 14 septembre 2016 par la chambre sociale, le coût de la vie
plus élevé en région parisienne justifie qu’au sein d’une même
entreprise, les salariés des établissements d’Île-de-France se voient
appliquer un barème de rémunération plus favorable que dans les
établissements situés dans une autre zone géographique.
Barème de rémunération supérieur dans les établissements franciliens
L’affaire
concerne une société appliquant, de manière unilatérale, un barème de
rémunération différent entre les salariés de ses divers établissements. Plus
précisément, le barème applicable aux établissements d’Île-de-France était plus
favorable (+ 1,19 à 1,57 %).
Un syndicat
représentant des salariés d’un site de production situé à Douai a
alors invoqué une violation du principe « à travail égal, salaire
égal », estimant en effet que seuls des éléments objectifs tenant à
l’activité ou aux conditions de travail pourraient permettre de justifier cette
différence de traitement.
Or l’employeur,
suivi par la cour d’appel, expliquait exclusivement cette disparité
par la différence du coût de la vie entre l’environnement proche
de l’usine de Douai et celui des usines franciliennes. Il avait pris soin de
fournir aux juges du fond, de multiples éléments statistiques (études de
l’Insee et d’organismes privés en matière de logement), des articles parus dans
divers périodiques ou sur des blogs, ou encore des cartes retraçant le coût du
logement et le prix des produits alimentaires de consommation courante pour
toutes les communes de résidence de ses salariés.
L’affaire
étant parvenue à la Cour de cassation, il lui revenait ainsi de déterminer si
la disparité du coût de la vie qui existe entre des zones géographiques sur
lesquelles sont réalisées des prestations de travail identiques, pourrait
constituer une raison objective et pertinente de rémunérer différemment les
salariés d’une même entreprise. Et la réponse est positive.
Raison objective tenant à la disparité du coût de la vie
La Cour de
cassation prend tout d’abord soin de rappeler le principe : « une
différence de traitement établie par engagement unilatéral ne peut être
pratiquée entre des salariés relevant d’établissements différents et exerçant
un travail égal ou de valeur égale, que si elle repose sur des raisons
objectives, dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence ».
La « disparité
du coût de la vie invoquée par l’employeur pour justifier la différence de
traitement qu’il avait mise en place entre les salariés d’un établissement
situé en Île-de-France et ceux d’un établissement de Douai » ayant été établie
devant les juges d’appel, la Haute juridiction en déduit que « cette
différence de traitement reposait sur une justification objective et
pertinente ».
Un travail
identique accompli dans une zone géographique où le coût de la vie est plus
élevé peut donc justifier l’octroi d’une rémunération plus importante (et
inversement). Mais attention, car en cas de litige, l’employeur devra pouvoir
établir la réalité de cette disparité en fournissant, pour chacune des
zones concernées, des éléments relatifs au coût du logement, aux prix à la
consommation, etc.
Ce n’est pas
la première fois qu’un employeur tente de justifier une différence de salaire
par le coût de la vie dans la zone d’implantation de ses différents
établissements. La jurisprudence n’était, jusqu’à maintenant, pas tout à fait
arrêtée sur ce point. Ainsi, en 2010, la Cour de cassation avait débouté un
employeur, non pas en rejetant ce motif de justification dans son principe,
mais parce que l’employeur n’avait pas fourni les éléments permettant d’établir
cette disparité de niveaux de vie (Cass. soc., 5
mai 2010, nº 08-45.502 D). Plus récemment, la Haute juridiction
avait confirmé l’arrêt d’une cour d’appel ayant rejeté l’argument d’un
employeur soutenant que les salariés de la région parisienne supportent des
charges beaucoup plus importantes, ce qui justifierait un salaire plus élevé
pour leur assurer un niveau de vie identique à celui des salariés exerçant dans
des bassins d’emploi où les charges sont moins onéreuses (Cass. soc., 28
mai 2014, nº 12-27.811 D).
L’arrêt
du 14 septembre 2016 permet de clarifier la situation. Il offre
aux employeurs une nouvelle cause de justification des différences de
traitement entre les salariés relevant d’établissements différents.
Indirectement, il offre aussi aux salariés des établissements situés dans les
zones où le coût de la vie est le plus élevé, un argument de poids pour
négocier une rémunération plus avantageuse.
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