mercredi 15 février 2017

Bref du social du 14 février

ACTUALITE JURIDIQUE ET SOCIALE

·        Les nouvelles règles de révision des accords collectifs : décryptage d’É. Appenzeller, avocat

Qui l’employeur doit-il convoquer pour réviser un accord collectif ? Peut-on réviser un accord de groupe ? Quelle est la nature d’un accord de révision ? Éléments de réponse avec Éric Appenzeller, avocat associé au cabinet Audalys.
Les partenaires sociaux doivent, depuis le 10 août dernier, respecter de nouvelles règles du jeu en matière de révision des accords collectifs. La loi Travail du 8 août 2016 les a, en effet, modifiées afin de favoriser le renouvellement des accords collectifs et de dynamiser le dialogue social. Ces nouvelles règles suscitent de nombreuses interrogations. Éric Appenzeller, avocat associé au cabinet Audalys apporte ses éclairages sur un certain nombre de points.
La loi Travail simplifie-t-elle la procédure de révision des accords collectifs d’entreprise ?
Indéniablement, la loi Travail va permettre de sortir de certaines situations de blocage. Ainsi, lorsque l’accord collectif ne prévoyait pas les modalités de sa révision, ce qui en pratique était extrêmement fréquent, la Cour de cassation considérait que le consentement unanime des syndicats signataires et adhérents éventuels était nécessaire pour engager la procédure de révision. L’un de ces syndicats pouvait donc, à lui seul, s’opposer à tout processus de révision, même s’il avait perdu sa représentativité. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Pendant tout le cycle électoral au cours duquel l’accord collectif a été conclu, un syndicat signataire ou adhérent pourra demander sa révision, même si les autres syndicats signataires ou adhérents n’y sont pas favorables. Passé ce cycle électoral, cette possibilité sera même ouverte à tout syndicat représentatif non signataire ou non adhérent de l’accord.
De même, avant la loi Travail, le monopole de signature de l’avenant de révision par les syndicats signataires ou adhérents de l’accord, pouvait rendre impossible la conclusion d’un avenant de révision, si ces syndicats perdaient ensuite leur représentativité ou n’atteignaient plus ensemble le seuil de 30 %. Désormais, l’accord peut être signé par tout syndicat représentatif, qu’il soit signataire ou non de l’accord initial, et ce quelle que soit la date de révision de l’accord initial. Cela peut évidemment faciliter les choses.
Peut-on réviser un accord collectif en l’absence de DS ?
Là encore, la loi Travail apporte des solutions. Désormais, en l’absence de délégué syndical, un représentant élu du personnel mandaté (par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au niveau de la branche dont dépend l’entreprise ou, à défaut, au niveau national et interprofessionnel) pourra négocier avec l’employeur la révision de l’accord.
Cette possibilité est également ouverte aux élus non mandatés, mais uniquement si l’accord que l’on souhaite réviser porte sur des mesures dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif.
Enfin, si aucun élu ne manifeste son intention de négocier, ou si l’entreprise ne compte aucun représentant du personnel, un salarié mandaté par un syndicat représentatif au niveau de la branche ou, à défaut, au niveau national et interprofessionnel, pourra également négocier avec l’employeur la révision de l’accord.
Qui l’employeur doit-il inviter à la table des négociations d’un accord de révision ?
Sur ce point, pas de changement : devront être invitées toutes les organisations syndicales représentatives dans le champ d’application de l’accord, qu’elles aient ou non signé l’accord dont est envisagée la révision ou adhéré (et ce même si elles ne sont pas habilitées à demander l’engagement d’une procédure de révision).
Qui peut signer l’accord de révision ?
Il n’y a plus de monopole des syndicats signataires ou adhérents : la signature de l’avenant de révision est désormais ouverte à toute organisation syndicale représentative dans le champ d’application de l’accord, qu’elle ait ou non signé ou adhéré à l’accord d’origine.
Quelles sont les règles de validité d’un tel accord ?
La validité de l’avenant de révision s’appréciera conformément aux nouvelles règles applicables aux accords collectifs (principe de l’accord majoritaire, disparition corrélative du droit d’opposition, possibilité de validation par référendum) et aux mêmes dates d’entrée en vigueur.
Quelle est la nature d’un accord de révision ?
L’avenant de révision est un accord collectif dont l’objet est particulier : il vise à modifier ou à compléter un accord existant. Il en résulte un effet spécifique : ses dispositions se substituent de plein droit aux stipulations de la convention ou de l’accord qu’il modifie. L’avenant de révision se distingue donc de l’accord qui viendrait simplement s’ajouter à un accord existant, sans en modifier le contenu. De ce point de vue, le préambule (qui doit désormais figurer dans tout accord collectif, même si cette exigence n’est pas prescrite à peine de nullité, sauf pour les accords de préservation et de développement de l’emploi) est évidemment important : c’est lui qui doit permettre de préciser l’intention des parties et de savoir si l’on se situe en présence d’un avenant de révision ou d’un nouvel accord.
Peut-on réviser un accord de groupe ?
C’est là, sans doute, l’un des oublis de la loi Travail que l’on peut regretter : elle ne contient aucune disposition concernant la révision des accords de groupe (pas plus d’ailleurs que des accords interentreprises). Est-ce à dire que la révision de l’accord de groupe est impossible ? Alors même que la loi Travail a légitimé et renforcé les accords de groupe, il n’y aurait aucune raison d’en rendre impossible toute évolution ultérieure (autrement que par la dénonciation et la conclusion d’un nouvel accord). Il semblerait donc logique de transposer, à l’échelle du groupe, les règles de révision applicables aux accords d’entreprise concernant l’engagement des négociations (ce qui ne manquera pas de poser des difficultés pratiques en cas de changement de périmètre du groupe) et d’appliquer à l’avenant de révision les mêmes conditions de validité que celles applicables à l’accord de groupe. Le « flou » existant en la matière devrait inciter les négociateurs et rédacteurs d’accords de groupe à préciser, dans une clause de révision intégrée à l’accord, les conditions et modalités de déclenchement de sa révision. On attendra en tout état de cause avec intérêt les éventuelles précisions de l’administration du travail et de la Cour de cassation en la matière.
En raison de la nouvelle articulation entre l’accord d’entreprise et celui du groupe, ce dernier peut-il réviser l’accord d’entreprise ?
Avant la loi Travail, l’application des règles de droit civil conduisait à répondre à cette question par la négative. Mais désormais, les stipulations de l’accord de groupe pourront se substituer aux dispositions ayant le même objet des accords collectifs conclus dans les entreprises ou établissements compris dans le périmètre de cet accord, et ceci même dans l’hypothèse où les accords d’entreprise seraient conclus postérieurement à l’accord de groupe. Attention tout de même : cette substitution ne s’appliquera pas de plein droit, elle devra avoir été expressément prévue dans l’accord de groupe. Il s’agira de ne pas l’oublier !
Quel est l’intérêt de passer par l’accord de groupe ?
Cet intérêt est évident : l’accord de groupe va grandement faciliter la mise en place de règles communes dans toutes les entreprises du groupe, pour les thèmes qui le justifient, en surmontant les blocages qui peuvent exister au sein de certaines d’entre elles et les historiques propres à chacune d’elles. Il ne sera plus nécessaire de renégocier, entreprise par entreprise, pour obtenir cette harmonisation. On pense, par exemple, à des dispositifs de mobilité géographique ou professionnelle, qui peuvent être d’autant plus efficaces et pertinents qu’ils seront communs à toutes les entreprises du groupe. À l’inverse, d’autres sujets se prêteront mieux, le plus souvent, à une négociation au plus près « du terrain » (entreprise ou établissement), tels que l’organisation et l’aménagement du temps de travail, très dépendants des spécificités de l’activité de chaque entreprise. Il y a là une vraie réflexion à mener désormais au sein des groupes, ceci d’autant plus que depuis la loi Travail, toutes les négociations prévues par le Code du travail au niveau de l’entreprise peuvent désormais être engagées et conclues au niveau du groupe.

·        La concertation sur l’avenir du CPA sera menée à marche forcée

La concertation consacrée aux futures étapes du CPA a été lancée le 9 février. Les partenaires sociaux et l’État ont convenu de se revoir avant la fin du quinquennat lors de deux réunions, notamment pour plancher sur les droits et comptes qui pourraient à l’avenir intégrer le CPA. Ces séances de travail doivent conduire à la rédaction d’une synthèse et éventuellement au lancement d’une négociation interprofessionnelle.
Programmée avant le 1er octobre par la loi Travail, la concertation sur les futures étapes de la construction du compte personnel d’activité (CPA) a finalement été lancée le 9 février 2017 par la ministre du Travail et la secrétaire d’État à la Formation.
Deux réunions et une synthèse
Deux réunions de concertation, dont les dates ne sont pas encore fixées, sont programmées entre l’État et les partenaires sociaux. D’après le ministère, celles-ci doivent se tenir avant la fin du quinquennat.
• La première séance sera consacrée au renforcement du CPA comme instrument de sécurisation des parcours professionnels. Un travail sera notamment mené autour des freins périphériques à l’emploi (logement, mobilité, garde d’enfants, etc.), avec l’optique d’assurer l’effectivité de l’accès aux droits à tous les titulaires du CPA.
• La seconde rencontre permettra de réfléchir à l’opportunité de faire du CPA un « instrument du temps choisi tout au long de la vie ». C’est lors de cette réunion que sera envisagée la possibilité d’intégrer au CPA de nouveaux droits, tels que le CET (compte épargne-temps).
À l’issue de ces travaux, une synthèse sera présentée au Cnefop (Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles). Puis, comme le prévoit la loi Travail, les résultats de cette concertation pourraient conduire vers une négociation interprofessionnelle sur l’intégration de nouveaux droits au CPA.

JURISPRUDENCE

·        Forfait-jours : l’employeur doit respecter les exigences conventionnelles et réagir efficacement en cas de surcharge

Ayant retenu que les règles relatives au repos dont doivent bénéficier les salariés n’avaient pas été respectées pendant l’exécution de la convention de forfait en jours, la cour d’appel a relevé que l’employeur n’avait pas organisé en 2009 d’entretien portant sur la charge de travail de la salariée, l’organisation du travail dans l’entreprise et l’articulation entre la vie professionnelle et personnelle et constaté que l’employeur n’établissait pas avoir pris en 2011 de mesures effectives pour remédier à la surcharge de travail évoquée par la salariée au cours de l’entretien annuel prévu par l’article L. 3121-46 du Code du travail. Ayant ainsi fait ressortir que le non-respect par l’employeur des clauses de l’accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours privait d’effet la convention de forfait, la cour d’appel en a exactement déduit que la salariée pouvait prétendre au paiement d’heures supplémentaires.
Lorsque l’employeur ne respecte pas les clauses de l’accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés en forfait-jours, c’est-à-dire les obligations conventionnelles de suivi et de contrôle réguliers de l’amplitude et de la charge de travail, la convention individuelle de forfait-jours est privée d’effet(v. Cass. soc., 29 juin 2011, nº 09-71.107 ; Cass. soc., 2 juillet 2014, nº 13-11.940 FS-PB). Elle est alors inopposable au salarié tant que le respect des exigences conventionnelles fait défaut, ce qui lui permet de prétendre au paiement des heures supplémentaires réalisées durant toute la période d’inexécution des garanties posées par l’accord collectif, dans la limite de la prescription.
En l’espèce, cette sanction était encourue à plusieurs titres, faute pour l’employeur de s’être conformé aux garanties posées par l’accord collectif en termes de droit au repos et de suivi de la charge de travail :
– la salariée n’avait pas été mise en mesure de respecter les durées légales minimales de repos obligatoire, rappelées par l’accord collectif, notamment lors des déplacements à l’étranger qu’impliquait sa fonction ;
– l’employeur n’avait pas organisé, au cours de la seule année 2009, l’entretien annuel portant sur la charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise et l’articulation entre la vie professionnelle et personnelle ;
– l’employeur n’avait pas pris de mesures effectives pour remédier à la surcharge de travail qui lui avait été signalée par la salariée au cours de l’un des entretiens annuels. L’employeur lui avait simplement indiqué programmer une réunion au cours du mois suivant pour modifier la répartition de ses tâches, ce qui a été jugé insuffisant.



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