ACTUALITE JURIDIQUE ET SOCIALE
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Les nouvelles règles de révision des
accords collectifs : décryptage d’É. Appenzeller, avocat
Qui l’employeur doit-il convoquer pour
réviser un accord collectif ? Peut-on réviser un accord de groupe ? Quelle est
la nature d’un accord de révision ? Éléments de réponse avec Éric Appenzeller,
avocat associé au cabinet Audalys.
Les
partenaires sociaux doivent, depuis le 10 août dernier, respecter de nouvelles
règles du jeu en matière de révision des accords collectifs. La loi Travail du
8 août 2016 les a, en effet, modifiées afin de favoriser le renouvellement des
accords collectifs et de dynamiser le dialogue social. Ces nouvelles règles
suscitent de nombreuses interrogations. Éric Appenzeller, avocat associé au
cabinet Audalys apporte ses éclairages sur un certain nombre de points.
La loi
Travail simplifie-t-elle la procédure de révision des accords collectifs
d’entreprise ?
Indéniablement,
la loi Travail va permettre de sortir de certaines situations de blocage.
Ainsi, lorsque l’accord collectif ne prévoyait pas les modalités de sa
révision, ce qui en pratique était extrêmement fréquent, la Cour de cassation
considérait que le consentement unanime des syndicats signataires et adhérents
éventuels était nécessaire pour engager la procédure de révision. L’un de ces
syndicats pouvait donc, à lui seul, s’opposer à tout processus de révision,
même s’il avait perdu sa représentativité. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Pendant tout le cycle électoral au cours duquel l’accord collectif a été
conclu, un syndicat signataire ou adhérent pourra demander sa révision, même si
les autres syndicats signataires ou adhérents n’y sont pas favorables. Passé ce
cycle électoral, cette possibilité sera même ouverte à tout syndicat
représentatif non signataire ou non adhérent de l’accord.
De même,
avant la loi Travail, le monopole de signature de l’avenant de révision par les
syndicats signataires ou adhérents de l’accord, pouvait rendre impossible la
conclusion d’un avenant de révision, si ces syndicats perdaient ensuite leur
représentativité ou n’atteignaient plus ensemble le seuil de 30 %. Désormais,
l’accord peut être signé par tout syndicat représentatif, qu’il soit signataire
ou non de l’accord initial, et ce quelle que soit la date de révision de
l’accord initial. Cela peut évidemment faciliter les choses.
Peut-on
réviser un accord collectif en l’absence de DS ?
Là encore, la
loi Travail apporte des solutions. Désormais, en l’absence de délégué syndical,
un représentant élu du personnel mandaté
(par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au niveau de la
branche dont dépend l’entreprise ou, à défaut, au niveau national et
interprofessionnel) pourra négocier avec l’employeur la révision de l’accord.
Cette
possibilité est également ouverte aux élus
non mandatés, mais uniquement si l’accord que l’on souhaite réviser porte
sur des mesures dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord
collectif.
Enfin, si
aucun élu ne manifeste son intention de négocier, ou si l’entreprise ne compte
aucun représentant du personnel, un salarié
mandaté par un syndicat représentatif au niveau de la branche ou, à défaut,
au niveau national et interprofessionnel, pourra également négocier avec
l’employeur la révision de l’accord.
Qui
l’employeur doit-il inviter à la table des négociations d’un accord de révision
?
Sur ce point,
pas de changement : devront être invitées toutes les organisations syndicales
représentatives dans le champ d’application de l’accord, qu’elles aient ou non
signé l’accord dont est envisagée la révision ou adhéré (et ce même si elles ne
sont pas habilitées à demander l’engagement d’une procédure de révision).
Qui peut
signer l’accord de révision ?
Il n’y a plus
de monopole des syndicats signataires ou adhérents : la signature de l’avenant
de révision est désormais ouverte à toute organisation syndicale représentative
dans le champ d’application de l’accord, qu’elle ait ou non signé ou adhéré à
l’accord d’origine.
Quelles sont
les règles de validité d’un tel accord ?
La validité
de l’avenant de révision s’appréciera conformément aux nouvelles règles
applicables aux accords collectifs (principe de l’accord majoritaire,
disparition corrélative du droit d’opposition, possibilité de validation par
référendum) et aux mêmes dates d’entrée en vigueur.
Quelle est la
nature d’un accord de révision ?
L’avenant de
révision est un accord collectif dont l’objet est particulier : il vise à
modifier ou à compléter un accord existant. Il en résulte un effet spécifique :
ses dispositions se substituent de plein droit aux stipulations de la
convention ou de l’accord qu’il modifie. L’avenant de révision se distingue
donc de l’accord qui viendrait simplement s’ajouter à un accord existant, sans
en modifier le contenu. De ce point de vue, le préambule (qui doit désormais
figurer dans tout accord collectif, même si cette exigence n’est pas prescrite
à peine de nullité, sauf pour les accords de préservation et de développement
de l’emploi) est évidemment important : c’est lui qui doit permettre de
préciser l’intention des parties et de savoir si l’on se situe en présence d’un
avenant de révision ou d’un nouvel accord.
Peut-on réviser
un accord de groupe ?
C’est là,
sans doute, l’un des oublis de la loi Travail que l’on peut regretter : elle ne
contient aucune disposition concernant la révision des accords de groupe (pas
plus d’ailleurs que des accords interentreprises). Est-ce à dire que la
révision de l’accord de groupe est impossible ? Alors même que la loi Travail a
légitimé et renforcé les accords de groupe, il n’y aurait aucune raison d’en
rendre impossible toute évolution ultérieure (autrement que par la dénonciation
et la conclusion d’un nouvel accord). Il semblerait donc logique de transposer,
à l’échelle du groupe, les règles de révision applicables aux accords
d’entreprise concernant l’engagement des négociations (ce qui ne manquera pas
de poser des difficultés pratiques en cas de changement de périmètre du groupe)
et d’appliquer à l’avenant de révision les mêmes conditions de validité que
celles applicables à l’accord de groupe. Le « flou » existant en la matière
devrait inciter les négociateurs et rédacteurs d’accords de groupe à préciser,
dans une clause de révision intégrée à l’accord, les conditions et modalités de
déclenchement de sa révision. On attendra en tout état de cause avec intérêt
les éventuelles précisions de l’administration du travail et de la Cour de cassation
en la matière.
En raison de
la nouvelle articulation entre l’accord d’entreprise et celui du groupe, ce
dernier peut-il réviser l’accord d’entreprise ?
Avant la loi
Travail, l’application des règles de droit civil conduisait à répondre à cette
question par la négative. Mais désormais, les stipulations de l’accord de
groupe pourront se substituer aux dispositions ayant le même objet des accords
collectifs conclus dans les entreprises ou établissements compris dans le
périmètre de cet accord, et ceci même dans l’hypothèse où les accords
d’entreprise seraient conclus postérieurement à l’accord de groupe. Attention
tout de même : cette substitution ne s’appliquera pas de plein droit, elle
devra avoir été expressément prévue dans l’accord de groupe. Il s’agira de ne
pas l’oublier !
Quel est
l’intérêt de passer par l’accord de groupe ?
Cet intérêt
est évident : l’accord de groupe va grandement faciliter la mise en place de
règles communes dans toutes les entreprises du groupe, pour les thèmes qui le
justifient, en surmontant les blocages qui peuvent exister au sein de certaines
d’entre elles et les historiques propres à chacune d’elles. Il ne sera plus
nécessaire de renégocier, entreprise par entreprise, pour obtenir cette
harmonisation. On pense, par exemple, à des dispositifs de mobilité
géographique ou professionnelle, qui peuvent être d’autant plus efficaces et
pertinents qu’ils seront communs à toutes les entreprises du groupe. À
l’inverse, d’autres sujets se prêteront mieux, le plus souvent, à une négociation
au plus près « du terrain » (entreprise ou établissement), tels que
l’organisation et l’aménagement du temps de travail, très dépendants des
spécificités de l’activité de chaque entreprise. Il y a là une vraie réflexion
à mener désormais au sein des groupes, ceci d’autant plus que depuis la loi
Travail, toutes les négociations prévues par le Code du travail au niveau de
l’entreprise peuvent désormais être engagées et conclues au niveau du groupe.
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La concertation sur l’avenir du CPA
sera menée à marche forcée
La concertation consacrée aux futures
étapes du CPA a été lancée le 9 février. Les partenaires sociaux et l’État ont
convenu de se revoir avant la fin du quinquennat lors de deux réunions,
notamment pour plancher sur les droits et comptes qui pourraient à l’avenir
intégrer le CPA. Ces séances de travail doivent conduire à la rédaction d’une
synthèse et éventuellement au lancement d’une négociation interprofessionnelle.
Programmée
avant le 1er octobre par la loi Travail, la concertation
sur les futures étapes de la construction du compte personnel d’activité
(CPA) a finalement été lancée le 9 février 2017 par la ministre du
Travail et la secrétaire d’État à la Formation.
Deux réunions et une synthèse
Deux réunions
de concertation, dont les dates ne sont pas encore
fixées, sont programmées entre l’État et les partenaires sociaux.
D’après le ministère, celles-ci doivent se tenir avant la fin du quinquennat.
• La première
séance sera consacrée au renforcement du CPA comme instrument de
sécurisation des parcours professionnels. Un travail sera notamment mené autour
des freins périphériques à l’emploi (logement, mobilité, garde d’enfants,
etc.), avec l’optique d’assurer l’effectivité de l’accès aux droits à tous les titulaires
du CPA.
• La seconde
rencontre permettra de réfléchir à l’opportunité de faire du CPA un « instrument
du temps choisi tout au long de la vie ». C’est lors de cette réunion que
sera envisagée la possibilité d’intégrer au CPA de nouveaux droits, tels
que le CET (compte épargne-temps).
À l’issue de ces
travaux, une synthèse sera présentée au Cnefop (Conseil national de
l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles). Puis, comme le
prévoit la loi Travail, les résultats de cette concertation pourraient conduire
vers une négociation interprofessionnelle sur l’intégration de nouveaux droits
au CPA.
JURISPRUDENCE
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Forfait-jours : l’employeur
doit respecter les exigences conventionnelles et réagir efficacement en cas de
surcharge
Ayant retenu que les règles relatives au
repos dont doivent bénéficier les salariés n’avaient pas été respectées pendant
l’exécution de la convention de forfait en jours, la cour d’appel a relevé que
l’employeur n’avait pas organisé en 2009 d’entretien portant sur la charge de
travail de la salariée, l’organisation du travail dans l’entreprise et
l’articulation entre la vie professionnelle et personnelle et constaté que
l’employeur n’établissait pas avoir pris en 2011 de mesures effectives pour
remédier à la surcharge de travail évoquée par la salariée au cours de
l’entretien annuel prévu par l’article L. 3121-46 du Code du travail. Ayant
ainsi fait ressortir que le non-respect par l’employeur des clauses de l’accord
collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des
salariés soumis au régime du forfait en jours privait d’effet la convention de
forfait, la cour d’appel en a exactement déduit que la salariée pouvait
prétendre au paiement d’heures supplémentaires.
Lorsque l’employeur
ne respecte pas les clauses de l’accord collectif destinées à
assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés
en forfait-jours, c’est-à-dire les obligations conventionnelles de suivi
et de contrôle réguliers de l’amplitude et de la charge de travail, la convention
individuelle de forfait-jours est privée d’effet(v. Cass. soc.,
29 juin 2011, nº 09-71.107 ; Cass. soc., 2
juillet 2014, nº 13-11.940 FS-PB). Elle est alors
inopposable au salarié tant que le respect des exigences
conventionnelles fait défaut, ce qui lui permet de prétendre au paiement des heures
supplémentaires réalisées durant toute la période d’inexécution des
garanties posées par l’accord collectif, dans la limite de la prescription.
En l’espèce,
cette sanction était encourue à plusieurs titres, faute pour l’employeur de
s’être conformé aux garanties posées par l’accord collectif en termes de droit
au repos et de suivi de la charge de travail :
– la salariée
n’avait pas été mise en mesure de respecter les durées légales
minimales de repos obligatoire, rappelées par l’accord collectif,
notamment lors des déplacements à l’étranger qu’impliquait sa fonction ;
– l’employeur
n’avait pas organisé, au cours de la seule année 2009, l’entretien
annuel portant sur la charge de travail, l’organisation du travail dans
l’entreprise et l’articulation entre la vie professionnelle et personnelle ;
– l’employeur
n’avait pas pris de mesures effectives pour remédier à la surcharge
de travail qui lui avait été signalée par la salariée au cours de
l’un des entretiens annuels. L’employeur lui avait simplement indiqué
programmer une réunion au cours du mois suivant pour modifier la répartition de
ses tâches, ce qui a été jugé insuffisant.
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