vendredi 31 mars 2017

Bref du social du 28 mars

ACTUALITE JURIDIQUE ET SOCIALE

·        Maintien de la complémentaire santé : l’évolution des tarifs sera progressive pour les anciens salariés

Initialement prévu au 1er janvier 2017, c’est finalement à partir du 1er juillet 2017 qu’entrera en application l’encadrement progressif des tarifs appliqués aux contrats complémentaire santé des anciens salariés. Un décret du 21 mars 2017 en ce sens est paru au Journal officiel du 23 mars 2017.
Documents associés : Décret nº 2017-372 du 21 mars 2017 relatif à l'application de l'article 4 de la loi nº 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques
À compter du 1er juillet 2017, la hausse des tarifs appliquée aux contrats complémentaire santé des anciens salariés seralissée sur trois ans. L’article 1er du décret nº 90-769 du 30 août 1990 pris en application de l’article 4 de la loi Évin nº 89-1009 du 31 décembre 1989 est modifié en ce sens. Rappelons que la mesure était attendue depuis juin 2015, date à laquelle le président de la République avait annoncé qu’il souhaitait encadrer l’augmentation des tarifs applicable aux anciens salariés dans les années suivant leur départ de l’entreprise.
Anciens salariés visés
Afin d’assurer une couverture santé aux salariés qui quittent l’entreprise, l’article 4 de la loi Évin permet à ces derniers de continuer à bénéficier, à titre individuel et sans sélection médicale, des prestations offertes par le contrat collectifd’entreprise. Ce dispositif est applicable sans condition de durée et sous réserve que les intéressés en fassent la demande dans les six mois qui suivent la rupture de leur contrat de travail ou, le cas échéant, dans les six mois suivant l’expiration de la période durant laquelle ils bénéficient à titre temporaire du maintien des garanties (période dite de portabilité).
Sont donc concernés les anciens salariés bénéficiaires :
– d’une rente d’incapacité ou d’invalidité ;
– d’une pension de retraite ;
– d’un revenu de remplacement (chômeurs).
Plafonnement progressif des tarifs
Actuellement, l’évolution des tarifs applicables aux anciens salariés ne peut être supérieure de plus de 50 % aux tarifs globaux applicables aux salariés actifs. Aux termes du décret, l’évolution des tarifs sera échelonnée sur trois ans.
Ainsi, compter du 1er juillet 2017, les tarifs applicables aux anciens salariés seront plafonnés, à compter de la date d’effet du contrat ou de l’adhésion, comme suit :
– pour la première année qui fait suite à la sortie de contrat collectif de l’entreprise, les tarifs ne pourront être supérieursaux tarifs globaux applicables aux salariés actifs ;
– pour la deuxième année, les tarifs ne pourront être supérieurs de plus de 25 % aux tarifs globaux applicables aux salariés actifs ;
– pour la troisième année, les tarifs ne pourront être supérieurs de plus de 50 % aux tarifs globaux applicables aux salariés.
Le plafonnement du tarif sur trois ans s’appliquera aux seuls contrats souscrits (ou adhésions intervenues) à compter du 1erjuillet 2017.
 
JURISPRUDENCE

·        Différences de traitement conventionnelles : le Conseil d’État et la présomption de justification

À l’occasion de deux recours en annulation d’arrêtés d’extension, le Conseil d’État reprend à son compte la jurisprudence de la Cour de cassation relative à la présomption de justification des différences de traitement opérées par voie de convention ou d’accord collectif entre catégorie professionnelle. On y apprend notamment qu’une catégorie professionnelle ne peut être exclusivement définie à partir de la nature du contrat des salariés.
Lorsqu’à l’occasion d’un recours en annulation d’un arrêté d’extension, une contestation sérieuse s’élève sur la validité d’une disposition de l’accord collectif, le Conseil d’État n’est plus systématiquement tenu de renvoyer ce point à l’examen du juge judiciaire via une question préjudicielle. Il peut, en effet, se prononcer sur cette contestation s’il existe unejurisprudence établie du juge judiciaire sur ce point précis (CE, 23 mars 2012, nº 331805). Dans deux arrêts des 15 et 17 mars, le Conseil d’État s’est ainsi directement appuyé sur la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation relative à laprésomption de justification des différences de traitement instituées par voie conventionnelle, pour se prononcer sur la légalité des arrêtés d’extension litigieux.
Dans les deux cas, la présomption n’a pas été jugée applicable compte tenu du champ d’application limité fixé par la Cour de cassation dans ses arrêts du 27 janvier 2015 et du 8 juin 2016. Il a donc fallu revenir à l’exigence classique de justification, fondée sur l’existence de raisons objectives et pertinentes. L’un de ces deux arrêts aborde, par ailleurs, la délicate question de la définition d’une catégorie professionnelle.
Périmètre de la présomption de justification des avantages négociés
Dans la jurisprudence actuelle, les différences de traitement instituées par voie conventionnelle sont présumées justifiées, de sorte qu’il appartient à celui qui s’en plaint de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de natureprofessionnelle, dans trois hypothèses :
– lorsqu’elles visent des salariés appartenant à des catégories professionnelles distinctes(Cass. soc., 27 janvier 2015, nº 13-22.179) ;
– lorsqu’elles concernent des salariés d’une même catégorie professionnelle, mais exerçant des fonctions distinctes(Cass. soc., 8 juin 2016, nº 15-11.324) ;
– lorsqu’elles résultent d’un accord d’établissement(Cass. soc., 3 novembre 2016, nº 15-18.844.
En dehors de ces hypothèses et sauf nouvelle extension de la présomption par la Cour de cassation, le juge devra contrôlerque la différence de traitement repose bien sur une raison objective et pertinente. C’est ce qu’a été conduit à faire le Conseil d’État dans ces deux affaires qui concernaient respectivement une différence de traitement:
– entre des salariés appartenant à la même catégorie professionnelle, mais exerçant des fonctions identiques ;
– entre des salariés appartenant à une catégorie distincte mais ne pouvant être qualifiée de « catégorie professionnelle ».
Fonctions identiques au sein d’une même catégorie professionnelle
La première affaire(nº 389559) concerne l’article 34 du titre II de la CCN de la production cinématographique du 19 janvier 2012, relatif à la rémunération des personnels techniques de la production cinématographique engagés à la journée.
Cette disposition prévoit en particulier :
– pour la production des films autres que publicitaires : une rémunération minimale garantie de sept heures, une majoration de 25 % du salaire de base minimum garanti, une majoration de 50 % du salaire horaire pour les heures supplémentaires effectuées au-delà de la septième heure et de 100 % au-delà de la dixième heure ;
– pour les films publicitaires : la rémunération journalière minimale garantie est, en revanche, fixée à huit heures, la majoration du salaire minimum garanti est portée à 50 % et la rémunération des heures supplémentaires effectuées au-delà de la huitième heure est majorée de 100 %.
Cette différence de traitement concerne donc des salariés exerçant des fonctions a priori identiques au sein d’une même catégorie professionnelle. Pour le Conseil d’État, la présomption de justification n’est donc pas applicable. En effet, selon l’arrêt, « lorsqu’elles sont opérées par voie de convention ou d’accord collectifs, les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d’une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ; en revanche, lorsque ces différences affectent des salariés d’une même catégorie professionnelle exerçant les mêmes fonctions, elles doivent reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence ».
En l’occurrence, la Haute juridiction a considéré qu’il existait bien une raison objective et pertinente tenant aux conditions d’exercice des fonctions, permettant de justifier ces deux régimes de rémunération : « eu égard à la brièveté des tournages desfilms publicitaire s et à l’amplitude journalièr e horaire de travail qui en résulte, les techniciens employés à la journée dans la production de films publicitaires, ne se trouvent pas, au regard des sujétions qui résultent des conditions d’exercice de leurs fonctions, dans une situation identique à ceux qui, bien qu’exerçant les mêmes fonctions sont employés à la journée pour la réalisation de film n’ayant pas le caractère de films publicitaires ».
Différence de traitement entre des catégories différentes
La seconde affaire(nº 396835) concerne un avenant à un accord collectif instituant une couverture collective et obligatoire de frais de santé au bénéfice de l’ensemble des salariés des entreprises de téléservices, centres d’affaires et entreprises de domiciliation, etc., financé par une « cotisation mensuelle globale forfaitaire », quelle que soit la durée de travail durant le mois.
L’avenant définissait cependant une « catégorie objective » de salariés regroupant ceux qui, au sein des seules entreprises de la branche exerçant une activité principale d’accueil événementiel, d’animation et de promotion ou d’optimisation linéaire, étaient titulaires d’un contrat d’intervention à durée déterminée (CDD d’usage). Pour ces derniers, les garanties étaient identiques, mais la cotisation proportionnelle au nombre d’heures de travail effectuées.
Si l’on considère qu’il y a là une catégorie professionnelle distincte, cette différence de traitement avec les autres salariés en CDD devait a priori être couverte par la présomption de justification dégagée en 2015. Ce n’est toutefois pas l’avis du Conseil d’État : la catégorie objective, définie exclusivement à partir de la nature des contrats à durée déterminée en cause, « ne constitue pas une catégorie professionnelle susceptible de se voir appliquer la présomption de justification résultant de la jurisprudence de la Cour de cassation ». Il résulte en effet « d’une jurisprudence établie que, pour l’attribution d’un avantage particulier, une différence de statut juridique entre des salariés placés dans une situation comparable au regard de cet avantage ne suffit pasà elle seule, à exclure l’application du principe d’égalité de traitement » (v. Cass. soc., 27 janvier 2015, nº 13-17.622).
Or, poursuit l’arrêt, « lorsqu’une différence de traitement ne relève pas de celles qui sont présumées justifiées, elle ne peut être pratiquée entre des salariés placés dans la même situation au regard de l’avantage litigieux que si elle repose sur des raisons objectives, dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence ».
Aucune raison objective réelle et pertinente ne justifiant la différence de traitement entre salariés en CDD classique et salariés en contrat d’intervention à durée déterminée, le Conseil d’État a donc conclu à l’annulation partielle et non rétroactive, de l’arrêté d’extension de l’accord et de son avenant sur ce point.
 

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