mercredi 8 mars 2017

Bref du social du 6 mars

JURISPRUDENCE

·        Liste commune : chacun des colistiers peut être amené à désigner un DS supplémentaire

La présentation d’une liste commune lors des élections du CE n’implique pas nécessairement la désignation, en commun, d’un seul et même délégué syndical supplémentaire. La Cour de cassation précise en effet, dans un arrêt du 22 février 2017, que si les conditions de cette désignation sont satisfaites individuellement par chacun des colistiers, chacun d’eux pourra désigner son propre délégué syndical supplémentaire.
Dans les entreprises d’au moins 500 salariés, le Code du travail permet à tout syndicat de désigner un délégué syndical supplémentaire à deux conditions : d’une part, être représentatif et, d’autre part, avoir obtenu lors des dernières élections au CE au moins un élu dans le collège ouvriers/employés et un élu dans le deuxième ou troisième collège (C. trav., art. L. 2143-4).
La présentation d’une liste commune à plusieurs syndicats peut alors poser difficulté : chacun d’eux pourra-t-il désigner un DS supplémentaire ou faut-il considérer qu’à partir du moment où ils ont choisi de s’allier pour la présentation de candidats, cela vaut également pour la désignation du délégué syndical supplémentaire, laquelle devra donc être faite en commun ?
La Cour de cassation clarifie ce point dans un arrêt du 22 février dernier, en permettant à chacun des syndicats de désignerson propre DS supplémentaire s’il remplit à lui seul l’ensemble des conditions précitées. Comme cela avait été admis en 2008, il reste toujours possible d’opter plutôt pour une désignation en commun.
Résultats indivisibles d’après le tribunal d’instance
Aux dernières élections du comité d’établissement, deux syndicats CFDT et Unsa ont présenté une liste commune. À l’issue du scrutin, ils remplissaient chacun les conditions de désignation d’un délégué syndical supplémentaire :
– en application de la clé de répartition des suffrages, ils ont obtenu chacun 10 % des voix, de sorte qu’ils étaient tous deux représentatifs ;
– ils ont chacun obtenu des élus dans les trois collèges du comité d’établissement.
Les deux syndicats ont alors désigné, chacun, un délégué syndical supplémentaire, ce que l’employeur a contesté en saisissant le Tribunal d’instance de Paris 12e. Les juges du fond lui ont donné raison en considérant que la désignation du délégué syndical supplémentaire doit, dans tous les cas de figure, être opérée en commun par des syndicats ayant présenté une liste commune, en appréciant les résultats électoraux de manière commune et indivisible et non pas individuellement pour chaque syndicat. Le jugement a cependant été censuré par la Cour de cassation.
Désignations séparées possibles si les conditions légales sont remplies
Rappelant que « dans les entreprises d’au moins 500 salariés, tout syndicat représentatif dans l’entreprise peut désigner un délégué syndical supplémentaire s’il a obtenu un ou plusieurs élus dans le collège des ouvriers et employés lors de l’élection du comité d’entreprise et s’il compte au moins un élu dans l’un des deux autres collèges », l’arrêt du 22 février ajoute que « lorsque plusieurs syndicats ont constitué une liste commune aux élections du comité d’entreprise, chacun d’eux peut procéder à la désignation d’un délégué syndical supplémentaire dès lors qu’il remplit à lui seul l’ensemble de ces conditions ».
Chaque colistier peut donc être amené à désigner son propre DS supplémentaire au regard de sa propre audience (laquelle dépend de la clé de répartition des suffrages communiquée avant le scrutin : C. trav., art. L. 2122-3) et du nombre d’élus qu’il a obtenu sous son étiquette dans les différents collèges (lequel dépend de l’ordre de présentation des candidats, négocié entre les colistiers).
Dans le cas d’espèce, puisque les deux syndicats remplissaient individuellement l’ensemble des conditions requises pour désigner un DS supplémentaire, il leur était donc possible de désigner un DS supplémentaire CFDT et un DS supplémentaire Unsa.
Retour sur une jurisprudence de 2008
La Haute juridiction tempère ainsi très nettement les effets d’une jurisprudence de 2008 en vertu de laquelle il avait été posé pour principe « qu’au cas où des syndicats ont présenté des listes communes aux élections, un seul délégué syndical supplémentaire peut être désigné d’un commun accord entre les syndicats ayant présenté ces listes ; […] il appartenait dès lors aux deux syndicats concernés de procéder à la désignation d’un seul nouveau délégué syndical supplémentaire commun au vu des résultats électoraux venant d’être obtenus par la liste qu’ils avaient constituée en commun » (Cass. soc., 18 novembre 2008, nº 08-60.397 PB). Dans son rapport d’activité pour 2008, la Cour de cassation avait même suggéré au législateur de modifier l’article L. 2143-4 du Code du travail pour y intégrer ce principe selon lequel « en cas de liste commune, le délégué syndical est désigné par commun accord des syndicats ayant présenté des candidats sur la liste commune ». Cette suggestion n’a cependant jamais été suivie d’effet, de sorte que la Haute juridiction a eu toute latitude pour autoriser, désormais, des désignations séparées au bénéfice des syndicats colistiers remplissant individuellement les conditions posées par l’article L. 2143-4 du Code du travail.
Maintien de la possibilité d’opter pour une désignation commune
L’arrêt du 22 février maintient expressément « la possibilité pour les syndicats ayant constitué une liste commune de désigner ensemble un délégué syndical supplémentaire ». Il appartiendra donc aux syndicats de choisir entre :
– soit des désignations séparées par chaque syndicat qui remplit à lui seul les conditions légales de désignation ;
– soit une seule et unique désignation effectuée en commun. Cette faculté, alternative, s’appliquera notamment dans le cas où un ou plusieurs des colistiers, pris individuellement, ne remplit pas la condition liée à l’obtention d’élus à la fois dans le premier collège et dans le 2e ou 3e collège.
On notera qu’une telle option avait également été reconnue par la jurisprudence pour la désignation d’un représentant syndical au CE dans les entreprises d’au moins 300 salariés, sous l’empire des dispositions issues de la loi du 20 août 2008 (v. Cass. soc., 4 novembre 2009, nº 09-60.066 permettant la désignation d’un RS au CE par chacun des syndicats de la liste si chacun d’eux a obtenu, en fonction de la clé de répartition choisie, au moins deux élus sur la liste commune ; Cass. soc., 31 janvier 2012, nº 11-11.856 reconnaissant la possibilité de désigner un représentant syndical commun dès lors que le nombre d’élus de la liste est au moins égal à deux).

·        Désignation du RSS : le syndicat doit satisfaire au critère de transparence financière

Pour désigner un représentant de section syndicale (RSS), le syndicat non représentatif doit satisfaire à des critères légaux précis, et notamment à celui lié à la transparence financière applicable à tout syndicat qui entend exercer des prérogatives dans l’entreprise. Telle est la précision, inédite, apportée par la Cour de cassation dans un arrêt du 22 février 2017.
Les dispositions du Code du travail fixant les conditions de désignation du RSS n’exigent pas expressément que le syndicat remplisse le critère de transparence financière, lequel fait uniquement partie de la liste des sept critères cumulatifs auxquels est subordonnée la représentativité (C. trav., art. L. 2121-1). À s’en tenir à la lettre des textes, la transparence financière n’était donc pas une condition de validité de la désignation du RSS.
La Cour de cassation vient toutefois d’en décider autrement, dans un arrêt publié du 22 février 2017 : le critère de la transparence financière doit être respecté par tout syndicat, qu’il soit ou non représentatif dans l’entreprise, afin de pouvoir y exercer « des prérogatives ». Y compris donc dans le cas où il souhaite y désigner un RSS.
Conditions de désignation du RSS posées par les textes
La possibilité de désigner un RSS est légalement reconnue aux syndicats non représentatifs dans l’entreprise ou l’établissement, dès lors qu’ils y ont constitué une section syndicale(C. trav., art. L. 2142-1-1). Or, pour constituer une section, le syndicat doit réunir les conditions suivantes (C. trav., art. L. 2142-1) :
– compter plusieurs adhérents dans l’entreprise ou l’établissement ;
– satisfaire aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance ;
– être légalement constitué depuis au moins deux ans ;
– et avoir un champ professionnel et géographique couvrant l’entreprise concernée.
Cette liste ne renvoie pas au critère de transparence financière, exigé expressément par l’article L. 2121-1 du Code du travail en vue de l’établissement de la qualité de syndicat représentatif. La circulaire d’application de la loi du 20 août 2008 – loi qui a introduit ce critère de représentativité – ne le mentionne pas non plus parmi ceux auxquels il doit être satisfait pour désigner un RSS dans l’entreprise (Circ. DGT nº 20, 13 novembre 2008, fiche nº 4).
Pourtant, dans la présente affaire, un employeur demandait l’annulation de la désignation du RSS au motif notamment que le syndicat désignataire ne remplissait pas ce critère.
Le Tribunal d’instance de Saint-Germain-en-Laye l’a débouté en se fondant sur une lecture stricte des textes précités : « la régularité de la désignation d’un représentant de section syndicale n’implique pas que le syndicat à l’origine de cette désignation remplisse les conditions prévues aux articles L. 2121-1 et L. 2121-2 relatifs à la représentativité, mais les conditions des articles L. 2142-1 et L. 2142-1-1 du Code du travail ».
La Cour de cassation a censuré le jugement.
Critère de la transparence financière exigé pour tout syndicat
Pour la Haute juridiction, bien que cela ne soit pas expressément exigé par l’article L. 2142-1 du Code du travail, le respect ducritère de transparence financière est une condition de validité de la désignation du RSS.
L’arrêt affirme en effet, pour la première fois et de manière générale, que « tout syndicat doit, pour pouvoir exercer des prérogatives dans l’entreprise, satisfaire au critère de transparence financière ».
Cet arrêt paraît ainsi accréditer l’idée, défendue par certains auteurs, selon laquelle les sept critères cumulatifs posés par l’article L. 2121-1 du Code du travail pour accéder au rang de syndicat représentatif, ne sont pas tous exclusivement dédiés à cet objectif. Certains d’entre eux, tels l’indépendance, les valeurs républicaines, la transparence financière et l’ancienneté de deux ans, sont davantage destinés à permettre de qualifier une organisation de syndicat habilité à s’implanter en entreprise et à y exercer une action syndicale. L’audience, l’influence, les effectifs d’adhérents et les cotisations seraient quant à eux spécifiquement relatifs à la représentativité.
Contre toute attente, dans la mesure où le critère de transparence financière est exigé, selon la formulation générale retenue par l’arrêt, de « tout syndicat » afin de pouvoir exercer « des prérogatives dans l’entreprise », on peut supposer qu’il devra également être rempli par les syndicats non représentatifs qui entendent exercer des prérogatives autres que la désignationd’un RSS, notamment pour créer une section syndicale, participer à la négociation du protocole d’accord préélectoral ou encore, pour présenter des candidats au premier tour des élections. Reste à la Cour de cassation à le confirmer dans ses prochains arrêts.

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