dimanche 9 octobre 2016

Bref du social du 6 octobre 2016

ACTUALITE JURIDIQUE ET SOCIALE

·        Lancement de la campagne pour les élections professionnelles dans les TPE cid:image001.png@01CE1A7E.A45505C0

 
La ministre du Travail, Myriam El Khomri, a lancé le 4 octobre la campagne pour les élections dans les TPE (entreprises de moins de 11 salariés). « Ce scrutin est un temps démocratique essentiel. La démocratie sociale ne doit pas être le monopole des grandes entreprises », a-t-elle déclaré. Ces élections, qui se tiendront du 28 novembre au 12 décembre, constituent « la seule occasion de se faire entendre pour les 4,5 millions de salariés de TPE et particuliers employeurs », a-t-elle estimé. Alors qu’en 2012 seulement 10,30 % de ces salariés avaient voté, la ministre a souligné que « la légitimité des partenaires sociaux passe par une participation la plus élevée possible ». La ministre a indiqué que le gouvernement avait accordé 20 millions d’€ pour l’organisation des élections. Chaque organisation représentative (CFTC, CGT, CFDT, FO, CFE-CGC) a reçu du gouvernement 300 000 € pour la campagne en cours, de même que l’Unsa et Solidaires, syndicats non-représentatifs. Elles avaient reçu 250 000 € en 2012. Les résultats de ces élections seront dévoilés le 22 décembre.
L’objectif de ces résultats est triple :
-          désignation des représentants syndicaux dans les futures commissions paritaires régionales (CPRI), qui seront lancées en juillet 2017 pour défendre les salariés et les employeurs des TPE,
-          désignation des juges prud’homaux
-          et contribution au calcul de la représentativité des syndicats au niveau national (qui sera dévoilée en mars 2017).
Ce scrutin est donc essentiel pour la CFTC. Mobilisez-vous et parlez-en autour de vous !

·        Accords de préservation ou de développement de l’emploi : le futur parcours d’accompagnement

Un avant-projet de décret d’application de la loi Travail, récemment transmis aux partenaires sociaux, définit les futures modalités du parcours d’accompagnement personnalisé (PAP) qui sera mis en œuvre en cas de refus par un salarié des clauses d’un accord de préservation ou de développement de l’emploi. Pendant 12 mois, ce parcours donnera accès à son bénéficiaire à diverses prestations d’accompagnement et à une allocation égale à 70 % de son ancien salaire s’il justifie d’un an d’ancienneté.
Lorsqu’un salarié sera licencié pour avoir refusé l’application des clauses d’un accord de préservation ou de développement de l’emploi à son contrat de travail, il pourra bénéficier du parcours d’accompagnement personnalisé (PAP). Un avant-projet de décret, soumis fin septembre aux partenaires sociaux dans le cadre de concertations, détermine les modalités selon lesquelles ce dispositif issu de la loi Travail era proposé aux salariés et leur permettra d’être accompagnés et de percevoir une allocation. Le PAP devra être proposé aux salariés, qui seront visés par une procédure de licenciement dont l’entretien préalable se situera après la publication de ce futur décret, sachant que celle-ci est attendue avant la fin du mois d’octobre. On notera que les modalités de ce nouveau dispositif s’inspirent de celles du contrat de sécurisation professionnelle (CSP).
La proposition et l’entrée dans le PAP
Dans un délai d’un mois à compter de la signature d’un accord de préservation ou de développement de l’emploi, l ’employeurdevrait inviter chaque salarié par courrier à faire savoir s’il refuse ou accepte la modification de son contrat de travail. Dans le même délai, Pôle emploi devrait en outre organiser une réunion d’information destinée aux salariés relative à l’accompagnement qui leur serait proposé en cas de refus.
L’employeur ne proposerait le PAP qu’aux salariés refusant la modification de leur contrat de travail. C’est lors de l’entretien préalable au licenciement que ces derniers seraient informés par l’employeur du contenu du PAP et de la rupture du contrat de travail engendrée par l’acceptation du parcours. À compter de la proposition du parcours, le salarié disposerait d’un délai desept jours pour l’accepter ou le refuser (son silence vaudrait refus). L’acceptation du PAP se ferait par la remise d’un bulletincomplété et signé. Le contrat de travail serait rompu au lendemain de la date de remise de ce document.
En cas de refus donnant lieu à licenciement, l’employeur notifierait celui-ci au salarié par lettre recommandée avec AR dans les conditions prévues pour le licenciement économique. Dès l’acceptation par le salarié, l’employeur devrait transmettre lebulletin d’acceptation à Pôle emploi. Ensuite, au plus tard à la rupture du contrat de travail, il devrait envoyer les documents nécessaires à l’examen des droits du salarié et au paiement des contributions par l’employeur (attestation d’employeur, demande d’allocation du salarié, etc.).
Notons qu’au moment de l’inscription du salarié licencié comme demandeur d’emploi, Pôle emploi vérifierait que le PAP lui a bien été proposé, et à défaut proposerait lui-même ce parcours.
L’accompagnement des bénéficiaires
Le PAP serait conclu pour 12 mois durant lesquels les adhérents auraient le statut de stagiaire de la formation professionnelle et seraient accompagnés par Pôle emploi. L’opérateur devrait tout d’abord réaliser un entretien de pré-bilan avec le bénéficiaire dans les sept jours suivant leur adhésion. Dans le mois suivant cet entretien, il élaborerait le projet de PAP de chaque bénéficiaire. Le projet pourrait contenir des prestations d’accompagnement diverses : bilan de compétence, suivi individuel, mesures d’orientation et de formation, VAE, etc. Pour financer les formations réalisées dans le cadre du PAP, le bénéficiaire pourrait mobiliser son compte personnel de formation (CPF) et l’employeur pourrait apporter uneparticipation. Des périodes d’activités professionnelles en entreprises pourraient aussi être réalisées dans le cadre de CDD (ou en intérim) dont la durée minimale serait de trois jours et dont la durée cumulée ne pourrait dépasser six mois.
L’indemnisation des adhérents
Pendant les 12 mois du PAP, les bénéficiaires qui justifient de 12 mois d’ancienneté au moment de la rupture de leur contrat de travail, percevraient une allocation d’accompagnement personnalisée (AAP) égale à 70 % de leur salaire journalier de référence calculé selon les règles de l’assurance chômage. L’AAP serait versée sans délai d’attente ni différé d’indemnisation. Une participation à hauteur de 3 % de l’allocation journalière servirait à financer leurs retraites complémentaires. Après ces 12 mois, ils bénéficieraient d’une ouverture ou d’une reprise de droits au titre de l’assurance chômage et la durée d’indemnisation serait réduite du nombre de jours indemnisés au titre du PAP.
Quant aux personnes ayant moins d’un an d’ancienneté, elles bénéficieraient seulement de l’ARE calculé selon le droit commun de l’assurance chômage.
Le financement du PAP et les contributions de l’employeur
L’AAP serait financée par l’État pour la partie supérieure à l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) et par l’Unédic (ou l’employeur en cas d’auto-assurance) pour la partie équivalente à cette allocation.
L’employeur contribuerait au financement de l’AAP en s’acquittant du paiement d’une somme correspondant à l ’indemnité de préavis que le salarié aurait perçue s’il n’avait pas bénéficié du PAP et qui ne peut être inférieure à l’indemnité légale de préavis (un mois entre six mois et moins de deux ans d’ancienneté, deux mois à partir de deux ans). Le salarié percevrait lesolde de son indemnité de préavis lorsque son montant dépasserait trois mois de salaire. Lorsque l’employeur omettrait deproposer le PAP au salarié, il serait tenu de verser une autre contribution égale à deux mois de salaire brut, portée à trois mois lorsque son ancien salarié adhérerait au dispositif d’accompagnement sur proposition de Pôle emploi. L’avant-projet de décret organise aussi les conditions de recouvrement des contributions de l’employeur et la faculté de lui accorder une remise totale ou partielle.

·        De nouvelles mesures sociales pour accompagner les agriculteurs

 
Le dispositif d’option pour le calcul des cotisations et contribution sociales des exploitants agricoles sur une assiette annuelle (et non triennale) sera reconduit. C’est ce qu’a annoncé le Premier ministre, le 4 octobre, lors de la présentation du « Pacte de consolidation et de refinancement des exploitations agricoles ». Pour tenir compte de la baisse des revenus professionnels de certains agriculteurs, la possibilité de calculer les cotisations sur la base des seuls revenus 2016 sera ouverte aux exploitants présentant un revenu inférieur à 4 248 € en 2015 et en 2016 et aux jeunes agriculteurs et nouveaux installés présentant un revenu inférieur à 4 248 € en 2016. Par ailleurs, des mesures sont prévues dans le projet de loi de finances pour 2017 pour faciliter l’accès des agriculteurs au RSA ou à la prime d’activité, a ajouté Manuel Valls. Enfin, la prise en compte des revenus devrait évoluer pour le calcul des prestations : devrait ainsi être retenu le chiffre d’affaires évalué sur les trois derniers mois, et non sur les 12 mois du dernier exercice écoulé.
 
JURISPRUDENCE

·        Le délai de consultation du comité d’entreprise s’impose aussi au juge cid:image001.png@01CE1A7E.A45505C0

À l’issue du délai préfix qui lui est imparti pour rendre son avis, le comité d’entreprise qui ne s’est pas prononcé sur un projet pour lequel il a reçu des informations précises et écrites, est réputé avoir rendu un avis négatif. Dans un arrêt du 21 septembre 2016, la Cour de cassation en tire pour conséquence qu’un TGI ne peut plus statuer sur une demande de suspension de la procédure si le délai de consultation est arrivé à expiration au jour où il rend sa décision. Elle ajoute, dans une seconde décision datée du même jour, que le juge ne peut pas prolonger un délai de consultation déjà expiré.
Documents associés :
Depuis la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, en dehors des hypothèses de consultation soumises à un délai spécifique et à défaut d’accord, le comité d’entreprise doit rendre son avis dans un délai réglementaire variant de un à quatre mois (un mois dans le cas général ; deux mois en cas de désignation d’un expert ; trois mois en cas de saisine du CHSCT ; quatre mois en cas de mise en place d’une ICCHSCT). À l’issue de ce délai, en cas de silence, il est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif (C. trav., art. L. 2323-3 et R. 2323-1-1).
La Cour de cassation n’avait pas encore eu l’occasion de statuer sur les incidences pratiques de cet encadrement des délais de consultation. Elle a rendu ses premiers arrêts en la matière, le 21 septembre 2016, dont l’un figure sur son site Internet. Il en ressort que le TGI saisi en la forme des référés ne peut plus statuer sur une demande de suspension du projet et de la procédure d’information-consultation, lorsque le délai au terme duquel le CE est réputé avoir donné un avis négatif a expiréaprès la saisine du juge (nº 15-13.363 FS-PBI). Des limites ont également été apportées à la faculté attribuée au comité d’obtenir la prolongation du délai de consultation, notamment par voie judiciaire (nº 15-19.003 FS-PB).
Désaccord sur la nécessité de consulter le CHSCT
Le premier arrêt (nº 15-13.363 FS-PBI) concerne la consultation d’un CCE sur un projet de création d’une entité managériale commune à deux filiales. Celle-ci avait débuté le 17 mars 2014, lors de la communication par l’employeur d’informations précises et écrites sur l’opération projetée. D’après l’employeur, à défaut d’accord, la phase de consultation devait s’achever un mois plus tard, délai de base prévu par l’article R. 2323-1-1 du Code du travail.
Cependant, lors de la réunion prévue pour permettre au CCE de rendre son avis (le 23 avril), celui-ci a fait valoir que le projet devait être préalablement soumis à la consultation des CHSCT concernés, compte tenu de son impact sur les conditions de travail. Dès lors, le délai de consultation devait passer de un à trois mois comme le prévoit le texte précité dans cette hypothèse.
L’employeur s’opposant à l’intervention du CHSCT, le CCE a saisi le président du TGI de Nanterre en la forme des référés, le 21 mai 2014 (soit dans le délai de consultation de trois mois), afin que soient ordonnées d’une part, la suspension de la mise en œuvre du projet et, d’autre part, celle de la consultation du comité jusqu’à ce que les CHSCT concernés aient été consultés.
Le TGI a fait droit à ces demandes par une ordonnance du 9 juillet 2014 (passé donc le délai de trois mois).
Recevabilité de la demande de suspension formée dans les trois mois
La cour d’appel de Versailles, pour qui l’action du CCE était parfaitement recevable, a confirmé l’ordonnance de suspension. En effet :
– le projet de restructuration envisagé rendait bien obligatoire la consultation du CHSCT (C. trav., art. L. 4612-8-1) ;
– le délai de consultation du CE était donc de trois mois ;
– le président du TGI,saisi le 21 mai 2014, l’avait donc été en temps utile puisque le délai de consultation était toujours en cours lors de cette saisine. Dès lors, il pouvait ordonner la suspension de la mise en œuvre du projet et de la procédure d’information-consultation du CCE jusqu’à ce que le CHSCT soit consulté.
L’arrêt d’appel ne fait état d’aucune difficulté tenant au fait que le délai de trois mois, au terme duquel le CE, en cas de silence, est réputé avoir donné un avis négatif, était expiré au jour de l’ordonnance du premier juge. C’est pourtant sur ce point précis que la Cour de cassation a émis une importante réserve.
Expiration du délai de consultation à la date de l’ordonnance du TGI
Pour la Haute juridiction, le premier juge ne pouvait plus statuer sur les demandes de suspension dès lors que le délai de trois mois dont disposait effectivement le CCE pour donner son avis sur le projet était expiré à la date à laquelle il s’est prononcé. Le délai de trois mois avait en effet commencé à courir à compter de la remise d’informations précises et écrites par l’employeur (c’est-à-dire le 17 mars 2014), tandis que l’ordonnance était intervenue près de quatre mois après.
Pour annuler l’arrêt de la cour d’appel, la Cour de cassation reproche ainsi aux magistrats versaillais de ne pas avoir recherché « si le délai de trois mois dont disposait le comité central d’entreprise pour donner son avis sur le projet de création d’une entité managériale commune à deux filiales du groupe, sur lequel il avait reçu communication par l’employeur des informations précises et écrites le 17 mars 2014 et, s’agissant d’un projet relatif à l’organisation du travail, souhaitait disposer de l’avis des CHSCT concernés, n’était pas expiré au moment où le premier juge a statué, le 9 juillet 2014, en sorte que ce dernier ne pouvait plus statuer sur les demandes ».
Les parties sont donc renvoyées devant la cour d’appel de Versailles qui devra à nouveau se prononcer sur la validité de l’ordonnance de suspension au regard, cette fois, de la date à laquelle celle-ci a été rendue.
La Cour de cassation rejoint ainsi la position adoptée par certaines juridictions du fond qui considèrent que le juge ne peut plus suspendre ou prolonger un délai de consultation qui est déjà expiré (v. TGI Nanterre, 10 février 2015, nº 15/00195), quitte à faire peser les délais de jugement sur le comité. Le second arrêt rendu le 21 septembre écarte d’ailleurs explicitement la possibilité pour le juge de prolonger un délai déjà expiré (v. ci-après). L’arrêt est par ailleurs rendu au visa de l’ article L. 2323-4 du Code du travail, lequel ouvre la possibilité de saisir le juge au cours de la procédure de consultation en cas d’information insuffisante, tout en précisant que « cette saisine n’a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité pour statuer ». Le présent arrêt en est la parfaite illustration.
Limites à la prolongation du délai préfix de consultation
Dans le second arrêt du 21 septembre (nº 15-19.003 FS-PB), la Cour de cassation apporte plusieurs précisions, quant à la possibilité, envisagée par le Code du travail, de prolonger le délai de consultation par voie judiciaire (C. trav., art. L. 2323-4)ou par voie d’accord avec les élus (C. trav., art. L. 2323-3). Ainsi :
– « si, en cas de difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires à la formulation de l’avis motivé du comité d’entreprise, le juge peut décider la prolongation du délai prévu à l’article L. 2323-3 du Code du travail, aucune disposition légale ne l’autorise à accorder un nouveau délai après l’expiration du délai initial ». Il faut préciser qu’en l’espèce, le délai réglementaire de consultation du CE (deux mois du fait du recours à un expert-comptable), était déjà expiré depuis 15 jours lorsque le CE avait saisi le TGI. Aucune prolongation ou reprise du délai de consultation ne pouvait donc être accordée. Compte tenu de l’arrêt précédent, la solution aurait été identique si le délai de consultation était arrivé à expiration entre la date de la saisine et la date de la décision des premiers juges ;
– « si un accord entre l’employeur et le comité d’entreprise peut allonger le délai à l’expiration duquel le comité est réputé avoir rendu son avis, il est nécessaire que cet accord soit adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité », ajoute par ailleurs l’arrêt. Cette exigence résulte directement de l’article L. 2323-3 du Code du travail. En l’espèce, il en résultait qu’en l’absence d’un vote exprimé dans ces conditions, le CE ne pouvait pas se prévaloir de la convocation à une nouvelle réunion, intervenue à l’initiative de l’employeur postérieurement à l’expiration du délai de consultation initial. Plus précisément, le comité ne saurait prétendre que le délai de consultation a été prolongé jusqu’à la date de cette réunion, pour voir juger que le président du TGI avait bien été saisi, en temps utile, d’une demande de communication d’informations.
Au final, faute de pouvoir se prévaloir d’une prolongation judiciaire ou par accord, le comité a tenté de se placer sur le terrain du point de départ du délai de consultation : ce délai ne commencerait à courir, non pas dès la première réunion d’information, mais à compter du moment où le comité a disposé d’une information « complète et loyale ». L’argument a été rejeté : dès lors que lors de la première réunion, un document d’information écrit avait été remis et qu’une présentation globale du projet avait eu lieu, permettant au CE de « mesurer l’importance de l’opération envisagée » et, le cas échéant, de saisir le président du TGI s’il estimait l’information communiquée insuffisante, le délai avait bien commencé à courir. Il apparaît donc que le délai de consultation commence à courir dès lors que le comité a reçu des informations précises et écrites,peu important que celles-ci ne soient pas exhaustives dès la première réunion. Le président du TGI n’ayant pas été saisi de la demande de communication d’informations supplémentaires dans le délai réglementaire courant à compter de cette réunion, le recours du CE a donc été rejeté car tardif.

·        Vote électronique : de nouvelles précisions en matière de sécurisation des données et d’expertise

Dans un arrêt du 21 septembre 2016, la Cour de cassation a validé un système de vote électronique mis en place pour les élections CE/DP, après avoir constaté que toutes les précautions avaient été prises pour garantir la confidentialité des votes et des données transmises. L’occasion pour la Haute juridiction de revenir plus précisément sur les mesures de sécurité spécifiques devant entourer l’envoi des codes d’authentification sur la messagerie professionnelle, et sur la périodicité de l’obligation de faire procéder à une expertise indépendante du système.
Cass. soc., 21 septembre 2016, nº 15-60.216 FS-PB
La jurisprudence veille à ce que le système de vote électronique retenu par l’entreprise assure, conformément à la réglementation (C. trav., art. R. 2314-8 et s. ; R. 2324-4 et s.) et aux principes généraux du droit électoral, la sécurité et laconfidentialité de toutes les données transmises à l’occasion du scrutin, depuis l’envoi des codes personnels d’authentification jusqu’au dépouillement des suffrages dématérialisés. Il a par exemple été jugé que l’envoi des codes d’authentification sur la messagerie professionnelle doit s’accompagner de mesures de sécurité spécifiques pour éviter toute appropriation frauduleuse par un tiers (Cass. soc., 27 février 2013, nº 12-14.415). À cet égard, un arrêt rendu le 21 septembre 2016 valide l’envoi descodes sur la messagerie professionnelle dès lors qu’elle est protégée par un mot de passe strictement personnel et pour peu que l’accès des administrateurs réseau fasse l’objet d’un encadrement minimal.
La Haute juridiction fait preuve de la même souplesse à l’égard de l’obligation de faire procéder à une expertise indépendante avant la mise en place du vote électronique, en n’exigeant pas que celle-ci soit systématiquement réalisée avant chaque scrutin.
Sécurisation de l’envoi des moyens d’authentification
L’affaire tranchée le 21 septembre 2016 s’est présentée une première fois à la Cour de cassation en 2013. La Haute juridiction s’était alors prononcée en faveur d’une invalidation du scrutin dès lors que les codes personnels d’authentification avaient été envoyés sur la messagerie personnelle des salariés, « sans autre précaution destinée notamment à éviter qu’une personne non autorisée puisse se substituer frauduleusement à l’électeur » (Cass. soc., 27 février 2013, nº 12-60.175 D ). Les parties avaient malgré tout été renvoyées devant un tribunal d’instance, qui a vérifié ce point et considéré que toutes les précautions de sécurité avaient été prises. Suivant les constatations des juges du fond, la Cour de cassation saisie d’un ultime pourvoi, a finalement conclu dans le même sens, ce qui clôt ainsi définitivement le dossier.
S’agissant de la sécurisation de l’adressage des codes de vote sur la messagerie professionnelle des salariés, deux éléments ont été retenus :
– un document interne à la société employeur mettait en évidence une restriction et une sécurisation de la messagerie elle-même, avec des adresses électroniques uniques et des mots de passe strictement personnels à chaque salarié ;
– le même document comportait également des restrictions et une sécurisation de l’accès à la messagerie par lesadministrateurs réseau, avec une traçabilité de leurs interventions et des engagements de confidentialité.
Avec de telles prescriptions, la jurisprudence entend vraisemblablement faciliter l’envoi des codes d’authentification sur la messagerie professionnelle. Le cap avait déjà été fixé en 2015, par un arrêt dans lequel la Haute juridiction avait précisé que « l’existence d’un code d’accès personnel à chaque salarié pour ouvrir une session sur l’ordinateur qui lui est attribué » pourrait être une précaution suffisante pour garantir la confidentialité de l’envoi des données sur la messagerie (Cass. soc., 14 décembre 2015, nº 15-16.491 D ).
Confidentialité des données de vote transmises
Outre les modalités d’adressage des moyens d’authentification, il a également été vérifié que toutes les précautions avaient bien été prises pour assurer la confidentialité des données de vote et empêcher ainsi toute possibilité, en interne, d’identifier le sens du vote d’un électeur. L’arrêt énumère utilement les éléments pris en compte à ce titre :
– les codes et les identifiants de vote étaient personnels, obtenus de manière aléatoire et à usage unique. Ceux-ci ont été envoyés par le prestataire, éditeur du logiciel de vote électronique, lequel avait également mis en place une phase postérieure de validation du vote par l’électeur lui-même ;
– le système informatique de l’employeur n’était pas impliqué dans le processus de vote, celui-ci s’effectuant exclusivementsur les serveurs du prestataire ;
– la direction ne pouvait avoir connaissance du vote crypté, immédiatement stocké dans l’urne dédiée. À cette fin, le vote faisait l’objet de trois chiffrements successifs sécurisant ainsi l’échange entre le terminal de l’utilisateur et la plate-forme du prestataire ;
– les administrateurs (assesseurs et organisateurs) avaient accès, pendant les opérations électorales, au seul fluxcorrespondant à l’émargement, et non aux votes des électeurs lesquels faisaient l’objet d’un flux distinct ;
– le décryptage des votes ne pouvait intervenir qu’à la clôture du scrutin avec l’introduction de deux clés d’accèssimultanément.
Exerçant un contrôle « léger » sur les constatations des juges du fond, la Cour de cassation a ainsi confirmé « que desprécautions suffisantes avaient été prises pour garantir la confidentialité des votes et des données transmises ».
Expertise indépendante
Le Code du travail exige que « préalablement à sa mise en place ou à toute modification substantielle de sa conception », le système de vote électronique soit soumis à une expertise indépendante (C. trav., art. R. 2314-12 et R. 2324-8). En l’occurrence cette expertise n’avait pas été menée préalablement au scrutin litigieux, intervenu en 2011.
Ce n’est toutefois pas un problème pour la Cour de cassation qui constate que le système de vote avait déjà été utilisé et expertisé en 2005. En l’absence de modification substantielle depuis la dernière expertise, une nouvelle expertise ne se justifiait donc pas en vue du scrutin de 2011. À tout le moins, il ne s’agissait pas d’un élément susceptible de conduire à l’annulation du scrutin.
Cette souplesse contrarie nettement la position récente du Conseil d’État, selon laquelle la réalisation d’une expertise indépendante s’impose lors de la conception initiale du système utilisé, puis à chaque fois qu’il est procédé à une modification substantielle, « ainsi que préalablement à chaque scrutin recourant au vote électronique » (CE, 11 mars 2015, nº 368748 ).L’idée étant que, quand bien même le système utilisé n’aurait pas évolué dans l’intervalle, l’environnement informatique de l’entreprise a pu changer, ce qui justifie qu’une nouvelle expertise soit menée.
Contestation du cahier des charges annexé à l’accord collectif
L’accord collectif organisant le recours au vote électronique doit comporter un cahier des charges respectant les exigences de sécurité et de confidentialité issues de la réglementation (C. trav., art. R. 2314-8 et R. 2324-4).
À l’appui de son recours en annulation du scrutin, le demandeur faisait valoir que ce cahier des charges n’était pas conforme auxdites exigences. Il ressort cependant de l’arrêt qu’un syndicat (ou le salarié qui le représente) qui a signé l’accord collectifauquel est annexé ce cahier des charges, ainsi que le protocole préélectoral qui y fait référence ne peut plus, par la suite,contester la conformité du cahier des charges, l’accord et ses dispositions étant considérés comme validés par ce syndicat.
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire