Une double information importante est passée totalement
inaperçue en France :
-
en 2012, Amazone, entreprise mondialisée de
vente par internet a acquis la propriété intégrale de Kiva Systems, entreprise
de fabrication de « robots de
logistique ».
-
Pour les fêtes de fin d’année 2014, sur un
entrepôt des USA, Amazone a expérimenté ses robots. Les commandes reçues sur
l’ordinateur central ont été préparées sans intervention humaine.
Les études montrent qu’un robot
peut faire à l’heure plus que le travail d’un humain mais, comme il œuvre 24h
sur 24 et 7 jours sur 7, il pourrait en fait effectuer le travail de 4 à 5
humains. Avec cette productivité, le
robot pourrait être rentabilisé en moins de 6 mois. Il faudrait y inclure le coût de la surveillance et de la
maintenance qui n’ont pas été pris en compte : on estime cette charge de
travail à un emploi pour 50 à 60 robots selon l’importance du parc.
Dans le même temps, les études
réalisées en France envisagent, d’ici 10 ans, la destruction de 3 M d’emplois
dans le tertiaire par la robotique qui en créera moins de 500 000. Ces
suppressions d’emplois concerneront à la fois des emplois peu qualifiés et des
emplois moyennement ou très qualifiés. De plus, il ne faut pas oublier que 2/3
du chômage actuel provient de l’augmentation de la productivité du travail et
non des délocalisations.
Pourtant, il y a des irresponsables
qui disent qu’il faut « travailler
plus » alors que la vraie question est comment partager le travail qui va
subsister ou apparaître et inventer de nouveaux emplois sans porter atteinte à
la qualité et au niveau de vie des salariés et retraités ?
Les humanistes savent que les humains sont
capables de s’adapter à de nouvelles situations et de profiter des changements
pour améliorer leur condition terrestre. Ils refusent le catastrophisme.
L’histoire permet d’apporter un éclairage et d’imaginer des ripostes.
Le progrès
social : une réponse indispensable
Du début de l’ère industriel aux
années 1980 la multiplication de la productivité du travail avait été compensée par 3 données
complémentaires :
-
La hausse de la population donc de la demande et
de la production (absurdité de la politique de l’offre en période
d’augmentation de la productivité du travail, de stabilité démographique avec
vieillissement et de chômage donc de surcapacité de production)
-
L’augmentation de la rémunération du travail
complétée par la protection sociale et les allocations familiales et donc, ici
aussi, une augmentation de la demande et de la consommation.
-
La réduction de la durée du travail (de 80
heures à 35 heures hebdomadaires en France, congés payés, abaissement de l’âge
de la retraite, prolongation de la scolarité…)
A l’exception des 35 heures
françaises, qui hélas n’ont pas été imitées par les autres pays industrialisés,
depuis les années 1980, sous le double effet du néolibéralisme (idéologie gestionnaire)
et de la disparition de la peur du communisme, on a assisté à :
-
une réduction de la part de la rémunération du
travail dans le PNB et à une hausse de la rémunération du capital, source de
graves injustices, de multiplication des inégalités mais aussi de fort chômage.
En effet, les revenus du travail sont consommés pour plus de 95% tandis que
ceux du capital spéculent sur les marchés financiers, financent un peu d‘investissements et surtout ne consomment
pas. La capacité de consommer n’a pas suivi la courbe de la productivité du
travail
-
l’abandon de la réduction de la durée du travail
et même, avec l’augmentation du travail
féminin et des modifications législatives (recul de l’âge de la retraite, durée
hebdomadaire en hausse,…), elle a augmentée en même temps que la productivité
du travail réduisant ainsi le nombre de travailleurs[1]
-
la remise en cause des prérogatives étatiques,
la forte réduction de la fiscalité sur les entreprises et les plus riches et la
quasi disparition des droits de douane ont réduit l’investissement public qui
était une source importante de la croissance économique et donc de l’emploi
Le premier moyen immédiatement efficace serait de renouer avec le
progrès social. Les politiques de régression sociale contribuent à augmenter le
chômage et non à la résoudre
Le second moyen, pour générer des
investissements publics, est une hausse mondiale de la fiscalité sur la finance,
les grosses fortunes et sur les sociétés
(voir Piketty : Le capital au XXIème
siècle)
Même très efficaces ces deux
moyens ne permettront pas, à eux seuls, de faire face à la révolution
robotique. Il faut envisager et inventer une nouvelle ère économique dans
l’histoire de l’humanité.
La nécessaire invention
d’une nouvelle ère économique.
L’histoire est, ici aussi indispensable.
Chaque fois que la productivité du travail a été multipliée dans une activité
humaine, une autre activité a permis de compenser la perte de travail.
La mécanisation agricole avait
été accompagnée du développent industriel. La mécanisation et l’automatisation
industrielle furent accompagnées par la montée en puissance du secteur
tertiaire.
Aujourd’hui, il faut imaginer une
nouvelle ère, celle de la robotique ou de la « commotique », avec 3
données à inventer ou mettre en œuvre :
-
Découpler rémunération et protection sociale du
travail en inventant la rémunération de l’utilité sociale et en créant un droit
imprescriptible à un revenu minimum garanti par la puissance publique
-
Inventer de nouveaux emplois autour de la
robotique, des services à la personne, de la culture et du bien vivre ensemble.
-
Prendre la dimension de l’innovation connexe
qu’est l’impression 3D :
demain, une part importante des produits que nous achetons pourront être conçus
par nous (en fonction de nos besoins et de nos goûts personnels) à partir d’un
programme informatique et fabriqué chez nous ou près de chez nous. Il y a là un mouvement possible de
relocalisation de la production et aussi d’éparpillement de la production en de
petites unités. Il faut anticiper cette révolution qui peut être favorable
à l’emploi et à la protection de l’environnement, la principale source de
destruction de l’environnement étant le découplage entre localisation de
l’énergie et des matières premières, lieux de consommation et zones de
production.
Tout est à imaginer et une
mobilisation générale est nécessaire et urgente si l’ont ne veut pas donner partiellement
raison à Marx et Lénine, en tissant la corde de la disparation du travail
humain pour se pendre mais sans connaître le « paradis socialiste ».
Une CFTC offensive et
rassembleuse pour le progrès social
La CFTC a aujourd’hui, après
l’échec du marxisme appliqué et du capitalisme (incapable d’assurer une vie
digne aux humains malgré les progrès technologiques et scientifiques), une base
idéologique solide, les références sociales chrétiennes pour replacer l’humain
au centre de l’économie et le progrès social au cœur des applications du progrès
scientifique et technologique. Elle seule, en France, a une alternative face à
l’idéologie gestionnaire, idéologie qui avance masquée, planquée derrière les
notions de « réalisme économique », « d’expertise », de
pragmatisme », de « réforme » même. Ce vocabulaire a pour seul
but d’interdire d’imaginer un autre système économique, une autre conception
philosophique, sociologique, politique, économique et sociale pour le vivre
ensemble et réaliser enfin le bien commun au lieu d‘asservir l’humain au profit
des multinationales.
Oui, le progrès social est
possible. Oui, il est la seule réponse possible à la crise politique,
économique, sociale et morale que traverse l’Europe. La CFTC, fidèle a son
histoire, ne doit pas être dupe des objectifs de l’idéologie gestionnaire qui
n’est qu’au service d’une très petite minorité de possédants. Toutes les
politiques européennes actuelles ne visent pas à réduire le chômage, elles
l’aggravent. Elles visent et réussissent
à instaurer une autre répartition des fruits de l’activité économique entre le
capital et le travail. Pour cela elle a déjà obtenu, en France, avec le pacte
dit de responsabilité un transfert de plus de 40 milliards d’euros du travail
et de la solidarité sociale vers el capital, ce qui est unique dans l’histoire
de notre pays sans aucun effet sur l’emploi et la croissance. Elle tente
aujourd’hui, avec la volonté de réformer le code du travail, de supprimer le
seul moyen de réduire les conséquences de l’inégalité au contrat de
travail. Le contrat de travail n’est pas
un contrat entre deux parties égales. C’est un contrat de soumission d’un
salarié à une entreprise. C’est pour limiter les effets de cette inégalité au
contrat que la morale sociale chrétienne et la subsidiarité exigent des lois nationales
et internationales pour encadrer strictement ces contrats. Or, aujourd’hui,
avec le chômage de masse, la nécessité de travailler à n’importe quel prix pour
beaucoup de chômeurs, la peur de perdre
son emploi pour ceux qui en ont un, la domination de l’idéologie gestionnaire
dans tous les médias, mêmes publics, jamais depuis un siècle l’inégalité n’a
été aussi forte. Dans ce contexte, réformer le Code du travail signifie en fait
livrer les salariés au bon vouloir de leur patron. Dans l’entreprise, aujourd’hui,
le plus souvent le dialogue social se réduirait à contraindre les salariés à
accepter le dictat de leur employeur et à subir al régression sociale :
travailler plus pour gagner moins, détruire la vie familiale et sociale par le
travail dominical ou nocturne….
Dans ces conditions, sans une
mobilisation idéologique et concrète de tous ceux qui croient au progrès
social, la robotique sera un nouvel outil pour accroitre les inégalités, le
chômage et les profits pour une minorité. Par contre, si la CFTC invente et
propose un nouveau contrat social, agit en concertation étroite avec tous les
partenaires syndicaux, qui, au-delà des divergences et des différences
idéologiques et historiques, veulent aujourd’hui le progrès social et ne
croient plus au grand soir et à la révolution, alors la robotique sera un plus
pour l’humanité.
Le progrès social, dont les
sociaux-chrétiens sont, avec Lamennais[2],
les inventeurs, demeure la seule utopie pour le XXIème siècle. La CFTC peut participer à la réaliser, come
elle l’a fait dans le Conseil National de la Résistance et le Contrat social
d’après guerre. Elle doit pour cela combattre résolument l’idéologie
gestionnaire matérialiste et inhumaine, proposer un nouveau contrat social et
redevenir le fer de lance du combat social pour le progrès humain.
[1] Avec
l’augmentation du travail féminin, aujourd’hui, dans un ménage français, on
travail en moyenne plus qu’en 1946 !
[2] Avant
les sociaux-chrétiens le monde se divisait entre ceux qui voulaient la
conservation de l’ordre social très injuste, dominé par la bourgeoisie, et ceux
qui voulaient la révolution pour installer la domination ou la dictature du
prolétariat.
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